la prophétie

UN ARRIÈRE-GOÛT DE TRAHISON

En cette fraîche nuit de printemps, la sylve asgardienne est paisible. Une légère brise fait bruisser les feuilles, le silence est presque total, si ce n'est pour le ululement lointain d'une chouette et les petits pas étouffés des animaux noctambules. Mais au milieu des fourrés, l'on peut entendre des murmures. La douce lumière de la lune éclaire une clairière, et l'on peut distinguer deux sveltes silhouettes, accroupies près d'une roche gravée de runes. De longs cheveux blonds opalins coulent en cascade sur les épaules de leurs propriétaires, dont la pose rappelle deux félins sur leur garde. L'on reconnaîtrait les elfes d'Alfheim sans la moindre hésitation. Ils sont seuls, mais indubitablement méfiants. Prêts à encocher une flèche dans la corde de leur arc au moindre son suspect, ils attendent... « Combien de temps devrons nous encore attendre ? » « Autant de temps qu'il le faudra. Je doute fort que le Père de Tout offre de bon cœur Gungnir à notre prince. Du moins pas avant quelques pintes... Patience. » Cela faisait déjà des heures qu'ils patientaient. Leur souverain les avait bien prévenus, que les banquets des Ases pouvaient s'éterniser. « Lorsque le prince aura la lance, Odin sera vulnérable et Elle pourra faire son grand retour. Gungnir est le symbole de sa puissance, si nous la lui prenons, nous le diminuons. » « Espérons qu'il réussisse... Et que nous faisons la bonne chose. Sans quoi nous risquons de voir notre royaume ravagé par la guerre. Les Ases sont affaiblis, mais n'en restent pas moins les maîtres d'Yggdrasil. Ce n'est point pour rien que nous sommes sous leur protection depuis l'aube des temps... » « Le Père de Tout a trahi Mère Nature. Pareille injustice ne pouvait rester impunie. » « Pareille vengeance vaut-elle une guerre entre nos deux peuples ? » Le silence retombe un instant entre les deux elfes. Un renard s'aventure dans la clairière, mais rebrousse rapidement chemin. « Attendons que le prince revienne avec la lance. Ensuite, nous n'aurons d'autre choix que de remettre le sort de notre peuple entre Ses mains. Prions les Nornes pour leur miséricorde, et notre souverain pour sa sagesse. »

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Le banquet donné en l'honneur des elfes et de l'alliance avec Alfheim bat son plein. Une énième fois, la salle du trône a été transformée en salle des fêtes. Ases et Elfes s'esclaffent, les rires résonnent et l'odeur des mets se mêle à celle de l'hydromel. La famille royale est présente au grand complet, à l'exception du couple héritier, justement parti se ressourcer à Alfheim, et du dieu banni. Le banquet sonne la fin des tribulations, enfin. Tandis que les convives dansent et se gavent, le Père de Tout est en grande discussion avec le prince Elorin, représentant des êtres sylvains pour cette occasion. Loin de toute œillade suspecte – du moins en est-il persuadé – il se livre depuis le début de la soirée à un bien étrange manège. À chaque fois que la coupe du souverain est vide, il la remplit. Inlassablement, le plus naturellement du monde, sans jamais interrompre son discours. Lentement, mais sûrement, l'esprit du Père de Tout s'embrume, sans qu'il en ait conscience. Les complices du prince elfe sont occupés à faire de même avec les notables asgardiens, et quelques belles dames aux silhouettes graciles et aux yeux de biche distraient les Einherjar. Il n'y aura aucune effusion de sang, personne ne doit être blessé. La lance subtilisée, Elorin disparaîtra comme les elfes savent si bien le faire, et il rejoindra ses compagnons dans la sylve, et ils quitteront Asgard grâce au passage entre les mondes indiqué par la Terre. De retour à Alfheim, il remettra la lance à la Déesse, et cette partie-ci d'échecs sera terminée. Mais... c'est sans compter sur les Odinson. Si l'on vous a dit que le Tonnerre était le seul habile de la fratrie, vous avez été dupé. La Lumière et le Chaos sont des pions adversaires que les elfes auraient mieux fait de ne pas ignorer.

OBJECTIF DE LOKI → Après avoir entendu la conversation entre les deux elfes, réussir à rejoindre la cité rapidement, puis à se faufiler jusqu'au palais pour avertir les Ases que le prince Elorin compte profiter du banquet et de l'absence de Thor pour voler Gungnir, pour une mystérieuse femme dont il ignore l'identité, mais restée à Alfheim de ce qu'il en a compris.

OBJECTIF DE BALDER → Après avoir entendu les étranges mises en garde de Loki, garder un œil sur les elfes et empêcher le vol de la lance par Elorin et sonner l'alarme.

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ne cécité pittoresque, et dans la cavité de ses bras contracturés, les coeurs battaient la chamade. Il rouvrit les yeux pour voir les dernières volutes liliales disparaître, le Bifröst venait à peine de les arracher à la conjuration d'Alfheim pour les nicher à l'orée des maisons de guérison. Il louait la sagacité d'Heimdall qui avait parfaitement su où les déposer, car les douleurs lancinantes qui taraudaient Sif étaient prioritaires à lénifier. Thor était incapable de songer à l'innommable perspective qu'ils perdent ce qui leur était devenu plus précieux que tout, l'héritier tarabusté par l'émoi parental qui excoriait involontairement la chrysalide maternelle, à leurs risques et périls. Sans perdre une seconde, le dieu brisa la première porte venue à coup de talon, assénant une peur bleue à Eir qui révisait il ne savait quel compendium et à laquelle il confia son épouse souffreteuse, non sans enjoindre un ou deux apprenties qui se trouvaient là d'aller de toute urgence quérir la reine. Il aurait aimé demeurer aux côtés de la prophétesse pour s'assurer que le traumatisme était bénin, mais il le savait, le devoir l'appelait, et il lui fallait agir avant qu'il ne soit trop tard. Il baisa le front de son Adorée, lui susurra qu'il l'aimait, puis repartit aussi promptement qu'il était arrivé. Au passage, il apostropha des Einherjar postés en faction et les somma de prévenir le capitaine Ove de la situation, il était essentiel de mettre les occupants du palais à l'abri d'éventuels dommages collatéraux et d'ouvrir la voix aux félons qui seraient incessamment sous peu chassés de ce royaume. Il doutait que les elfes aient quelque néfaste dessein à l'encontre d'innocents, mais il avait aussi douté qu'ils soient un jour enclins à les trahir, et il n'était pas homme à se faire leurrer deux fois de suite. L'alerte donnée et très bientôt sonnée, le prince doré fendit les airs pour atteindre sa destination au plus vite, où il espérait qui les choses n'avaient pas déjà dégénéré, qu'importait la teneur du complot.

Si les convives à oreilles taillées s'étaient naturellement transis après l'intervention inopiné du benjamin Odinson, ils eurent tôt fait de se réveiller à la soudaine effervescence qui embrasa toutes les ailes de la demeure souveraine. Déjà, les gardes royaux – sous la prestesse efficace de leur supérieur – se déployaient de toute part, sortant la salle de banquet de sa torpeur éthylique, même si tous les noctambules n'étaient pas en état de ne serait-ce que comprendre les circonstances. Les gens se mirent à pulluler dans tous sens, s'agitant de-ci et de-là, certains cherchant la sortie et d'autres les aidant à ce faire. Aux huis principaux, un galbe chuta de nulle part et fit brusquement office de barrage inexpugnable, cape purpurine volant dans son sillon, Mjölnir en main et braises incandescentes dans les calots. « Qui m'accorde une danse ?! » Un elfe tenta de passer en tapinois sur sa gauche et un autre s'essaya à forcer le passage sur sa droite – au final, le second fut projeté sur le premier et tous deux s'incrustèrent en glyphes d'un genre nouveau dans le mur à proximité. Mais l'attention du guerrier fut vite happée par la table principale où Odin peinait à reprendre ses esprits. « Père !! » L'éclat phonique attira l'oeil vif d'Elorin, qui profita d'un instant d'inattention pour, sans dégainer une quelconque arme, se jeta sur Balder pour lui prendre la lance Le sang de l'aîné ne fit qu'un tour, il quitta sa position et vola à travers la pièce pour faucher le prince elfique au passage et le plaquer au sol un peu plus loin. « Ne t'avise même pas de toucher à Gungnir et encore moins à mon frère !! »

Une fois encore, la célérité de son adversaire fit mouche, il ne fallut qu'une seconde au fils d'Elyas pour plonger sa paluche dans un monticule d'épices en poudre dont le pot avait été renversé et d'en aveugler son agresseur. Le Tonnerre rugit tant de douleur que de surprise et se fit projeter en arrière par deux longues jambes. Il frotta frénétiquement ses yeux de son avant-bras, les mâchoires serrées sous les brûlures qui l'empêchaient de voir – mais qui ne le privaient pas pour autant de l'ouïe, et ce furent les échos de foulées pressées qu'il entendit, si bien qu'il se força à ouvrir les yeux et à en ignorer le feu pour apercevoir le bougre s'enfuir. Il s''élança après lui et parvint à lui bondir sur l'échine, mais tandis qu'ils luttaient, il vit des elfes bien hardis s'approcher de la Beauté pour le soulager de son bien. « Balder !! Attention ! »