Maintenant qu'elle y songe... Qu'a t-elle fait de la corne dérobée au premier viking qui a subi ses foudres ? L'aurait-elle glissé dans sa besace sans même s'en rendre compte ? Peu importe, l'oreille de l'ours a bon goût, elle y sent la sueur saumâtre d'un guerrier émérite, d'un quidam aussi tapageur que l'était probablement Thor Odinson. Simplement, moins blond, et c'est tant mieux. Sa propre crinière de boucles indociles cascade le long de l'épaule sur laquelle elle est penchée, et donne la curieuse impression qu'il s'agit plus du crin de l'homme que le sien. Les cheveux s'amalgament, les êtres se confondent en une créature à deux têtes qui se font la conversation. Du moins, Aslak parle, et s'esclaffe d'un phonème de rogomme qui berce l'Erzébeth là où d'autres auraient tremblé. Et à l'instar d'une chouette, elle écarquille ses yeux fous pour dévoiler deux onyx insondables en guise de prunelles, qui vacillent d'Est en Ouest comme si lesdits démons étaient prompts à apparaître d'un instant à l'autre. « GNAH ! » S'exprime t-elle lorsqu'il tente de la déloger de sa puissante échine, à laquelle elle s'agriche à l'instar d'un naufragé à son récif – ou plutôt, d'un poux à son cuir chevelu, l'allégorie lui sied davantage. Elle n'a aucune envie de descendre, elle qui est petite et fluette se trouve fort à l'aise juchée sur cette musculeuse montagne qui, contrairement à ce qu'il est légitime de croire, a tout autant d'intellect que de force physique. Mais parce qu'elle l'apprécie, elle se résigne et descend finalement, attrapant le récipient qu'il lui tend plus par réflexe qu'autre chose. Il s'enquiert, le gentil géant, et lui formule son intervention imminente en cas de péril.

« Expédition ? Où veux-tu que j'aille ? Pourquoi aller chercher l'ivraie autre part lorsque tu en as une ribambelle sous la truffe ? Regarde ! » Elle désigne toute la communauté que les entoure, puis crache sur le sol. « Nous n'avons tous que des masques de chair, et aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres, n'est-ce pas ? Dans les ténèbres putrides de Midgard, les divins nous font l'immense honneur de nous apporter leur lumière. Tu les vois ? Hein, tu les vois ? » Elle bondit pour se mettre à côté de lui et s'accroche à son bras. « Ils viennent tapoter la tête de leurs gentils moutons. S'ils m'approchent, je les mords. Je te servirai leurs gueules dans un ragoût et je ferai une chaise de leurs os, pour pouvoir asseoir mon cul sur leur morgue. Dégueulasse ! » Une veine gonfle à sa tempe et l'un de ses yeux sursaute frénétiquement. Soudain, elle lève son minois patibulaire vers son interlocuteur, manquant de peu de se rompre les cervicales dans la manœuvre. « Fenris, tu as vu Fenris ? Ne lui dis pas que je suis ici. Ne lui dis pas que j'ai volé la corne d'un guerrier et arraché les cheveux d'une putain. D'accord ? » Pour sûr, son fils serait bien peu ravi d'apprendre ses exploits du jour, et elle tient trop à lui – en plus d'avoir peur – pour alimenter son courroux.

Elle sentait chez son interlocuteur cette différence. Le fait qu’il ne soit pas à l’aise. Il est vrai qu’elle était l’épouse d’Odin, mais parfois, elle ne voyait pas l’étrangeté que la situation pouvait donner. Cependant, elle avait vu au fil du temps le parcours de ce jeune homme et ce qu’il était aujourd’hui. A sa remarque, elle hocha la tête négativement.

Ne vous dénigrez pas. Chaque homme à ses qualités et ses défauts. Vous avez su au fil du temps prendre en compte cela. Avec votre épouse surtout et vous ne devriez pas autant douter. Je sais qu’elle vous aime et que vous l’aimez également.

Elle en était plus que persuadé, même si ça ne devait pas être tout les jours faciles pour le couple de mortels de se le prouver. A sa question, elle soupira doucement. La question était épineuse, il fallait bien l’avouer.

Ca n’est pas facile de savoir qui choisir en effet. Tout le monde mérite que je réponde. Jusqu’à preuve du contraire, tout le monde a besoin de croire en nous. Malheureusement, d’autres ont fait des choses dans leur vie, qui ne mérite pas qu’on réponde. Ca n’est jamais simple de tourner le dos à une personne qui vous demande de l’aide, mais parfois, il le faut.

Il est vrai qu’elle n’aimait pas tourner le dos aux gens, mais parfois, c’était une nécessité. Seulement, elle gardait quand même un œil sur celles et ceux qui priaient et lui demandaient de l’aide. En le voyant s’incliner, elle ne pu s’empêcher de sourire. Elle pencha la tête à ses paroles, appréciant ces compliments.

Je n’en doute pas une seule seconde.

Elle savait que Niklaus faisait déjà des efforts, donc il en ferait sans aucun doute encore et encore. A la question de l’homme, elle soupira doucement.

Vous ne vous trompez pas. Je suis sûre que mon époux a du demander à quelques personnes de veiller sur moi. Je ne sais pas qui exactement, mais je sais que d’autres sont là.

Elle avait vu rapidement Solveig et Idunn. Elle était étonnée que cette dernière n’arrive d’un seul coup ici, surtout après ce qu’elle avait vécu, mais elle pouvait comprendre ce besoin d’évasion.

Disons que Odin est protecteur.

Elle eu un sourire amusée, se rappelant de certains moments où elle s’en amusait beaucoup.

Vous avez des ressemblances avec lui. L’amour chez les dieux et chez les mortels n’ait pas si différent que ça. Nous avons également nos incertitudes, mais nous savons qu’au final, nous sommes une famille et c’est ce que vous êtes avec votre épouse.

Elle sourit au jeune homme. Il ne devait pas douter de ses sentiments, il devait se laisser aller à parler, même si elle savait que ça ne serait pas évident tout le temps.

D’ailleurs, comment se porte votre épouse ? Je ne l’ai pas encore vu.

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Le printemps était déjà là.

Quelle belle saison, Brima avait toujours aimé cette période de l'année : peut-être autant que l'hiver. Autour de leur maison, les fleurs commencent à sortir, les oiseaux viennent y butiner tranquillement. La paix à un visage, le paradis existe et c'est dans cette chaumière que la guerrière se sent le plus apaiser. Après la violente bataille d'Asgard où elle manqua de peu de perdre son bras en tentant de mettre à l'abri les enfants du palais, c'est dans la maison qui l'a vu grandir qu'elle avait décidé de lécher ses plaies. De retour à la forteresse, elle avait reprit l'entraînement alors même que le docteur lui avait interdit. Il n'était jamais trop tôt pour la Valkyrie, jamais trop tard pour se battre. Elle avait ça dans le sang, son corps avait besoin d'avoir une arme dans la main, de transpirer, de souffrir pour être encore meilleure. Traîner par ses consoeurs, elle se retrouva rapidement dans les bains puis parer d'une robe. Ne supportant pas cet accoutrement, elle passa par sa chambre pour se changer et enfiler son armure d'apparat puis elle suivie quelques Valkyries jusqu'au Bifrost pour aller sur Midgard. Les mortels devaient être rassurés, ils devaient voir que les dieux pouvaient encore servir à quelque chose. La reine Frigga serait présente, peut-être pourrait-elle s'entretenir avec elle un peu...
Brunhilde et Solveig étaient déjà présentes, Idunn et Frigga également. La fête semblait être réussit, autour d'elle : des visages heureux et insouciant ou bien n'était-ce qu'une facette pour montrer aux Dieux qu'ils n'avaient nullement besoin d'eux. Elle prit une corne de bière avant de la vider cul-sec, se servant de nouveau : elle leva son verre à l'encontre de ses deux soeurs avant de croiser le regard de Sigurd. Son coeur s'emballa, ses mains se mirent à trembler et bientôt ses yeux se détachèrent de cet homme qui la perturbait plus que quiconque. Discrètement, elle s'approcha de la reine et resta dans son sillage. Brima n'avait pas envie de s'amuser, de se mêler aux mortels. Elle préférait rester dans l'ombre et surveiller, apprendre les moindres faits et gestes des humains. Prenant une nouvelle gorgée de sa boisson, elle se risqua à regarder de nouveau le forgeron avant de se détourner. Frigga avait tout, comprenait tout, il ne lui faudrait pas longtemps pour voir qu'elle portait sur Sigurd la même attention qu'elle portait sur Sigmund.

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Brima regardait tour à tour les convives , tandis que Idunn semblait être intéressé par les animaux sauvages, Frigga parlait avec des mortels qui lui semblaient dévoués. Il était bon de la voir sourire, de la voir en bonne santé et retrouver sa force. Ses yeux qui miroitaient tantôt à gauche, tantôt à droite ne pouvait pas s'empêcher de faire une halte sur la personne de Sigurd. Ce forgeron qui n'avait au fond aucune raison de la toucher. Non. Elle devait rester forte, hermétique à toute forme d'affection si ce n'est celui de sa fille et de ses sœurs. Rien d'autre ne comptait. Il n'y avait pas d'issus, pas même si elle caressait secrètement l'idée d'aller lui parler. Restant sur ses positions, elle se battait contre elle-même pour ne pas s'approcher du danger. Pourtant, c'était peine perdue. Telle un papillon attiré par la lumière, ses jambes avancèrent en direction de la déesse Idunn. Elle s'inclina respectueusement avant de lui adresser la parole :

« Ma Dame, je suis plus que ravie de voir que vous retrouvez des forces. Je suis désolée de ne pas être venue prendre de vos nouvelles avants. Je sais au combien vous êtes importante pour ma fille et je vous remercie d'être là pour elle. »

Brima se redressa, arriva à dessiner un sourire sur son visage avant de se tourner vers Frigga et de s'incliner encore plus bas : son bras sur son coeur. Brima se sentait un peu plus en confiance avec la déesse de l'amour, elle avait percé à jour les regards entre Sigmund et elle, puis avec Asgeird. Sentant al présence du forgeron près d'elle, elle prit son courage à deux mains et s'avança vers lui. Elle qui avait vaincu des hordes d'elfes noirs sans frémir : la voilà terrifiée à l'idée de parler à un homme. N'aimant pas être faible, encore moins d'être impuissante face à ses sentiments : elle articula ces quelques mots.

« Je suis ravie de voir que le froid ne vous à pas emporter avec lui. Il semblerait donc que vos aptitudes aux combats sont vrais, je n'en attendais pas moins d'un forgeron. Vous avez survécu et c'est le plus important. »

Un moyen comme un autre de dire que Brima était contente de le voir en vie, avec quelques égratignures qui deviendront des cicatrices témoins de son combat contre les géants de glace.

« Je vous dois mes plus profondes excuses pour vous avoir mentit. Vous devez comprendre maintenant pourquoi je me devais de commettre un tel affront à votre personne. »

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Brima n'avait connu qu'un seul 'amour'. Un amour pur, innocent, sans que des barrières ne soient jamais franchise. Sigmund avait compris depuis longtemps que jamais sa guerrière ne briserait ses voeux pour ses beaux yeux, c'est pour cela qu'il l'aimait, pour cela qu'il aurait donné sa vie mille fois. Maintenant, la Valkyrie ne peut s'empêcher de penser à Sigurd de la même façon. Sa mort avait causé un vide chez la Valkyrie qui avait eu la chance de trouver Aldis après, elle avait eu la chance de devenir mère pour occuper ses longues journées solitaires. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se demander qui viendrait la sauver si elle s'accrochait à Sigurd et que ce dernier venait à disparaître ? Qui serait-là pour la tirer vers le haut ? Elle se surprenait à penser à lui au réveil ou bien quand elle se reposait entre eux entraînements. Pire encore : depuis sa conversation avec Yvla elle le voyait même dans ses rêves. Ils vivaient dans une maison à la lisière de la forêt, des enfants avec de cheveux blonds courraient autour d'elle, Sigurd à ses côtés la regardait tendrement et le pire dans cette histoire c'est qu'elle semblait heureuse. Brima savait néanmoins que ce n'était qu'une chimère. Si sa mère était terrible avec son père, elle serait bien pire. Non. Elle devait ignorer le sentiment de chaleur qui naissait dans son bas-ventre alors que ses yeux glissaient sur son corps. Une guerrière d'Odin devait être maîtresse de ses sentiments, elle devait être encore et toujours plus forte. Brima ne devait pas succomber à la tentation de la chair, au plaisir de l'amour, à des choses qui lui étaient interdites de part sa position chez les Valkyries. Pourtant... Et pourtant...
Son coeur manqua plusieurs battements alors que Sigurd lui répondait et posait son regard sur elle. Ne se sentant pas à son aide, tout son corps la suppliait de partir, mais son esprit restait camper sur ses positions et restait planté devant lui. Etait-il vraiment heureux de la voir en bonne santé ou bien était-ce par pure politesse, par peur maintenant qu'il savait sa véritable identité ? Elle n'eut aucune réaction alors qu'il témoignait son soulagement de la voir en vie. Un sourire se dessina néanmoins quand Sigurd affirma qu'il espérait ne pas l'avoir offensé.

« Je ne suis pas une déité. Je suis un personnage de légende, les jeunes guerriers prient pour me voir venir le plus tard possible, les anciens me demandent sans cesse pour que je les emmène auprès du père de toute chose. Néanmoins, je ne suis en rien une déesse, je n'en ai pas l'étoffe et je ne cherche pas à l'avoir. »

Froide ? Un peu distante ? Oui. Brima réagissait mal à l'attirance qui naissait doucement, mais certainement pour cet homme. Se rendant compte que c'était peine perdue, qu'elle devait s'éloigner de celui qui faisait naître chez elle une faiblesse de plus en plus importante, elle vida sa coupe avant de s'excuser.

« Veuillez-m'excuser mes Sirs, ma coupe est vide. »

Sans plus attendre, elle tourna les talons et alla la remplir, posant sa tête contre le tonneau qui était en retrait pour fermer les yeux et soupirer longuement. Brima fit couler la bière dans sa coupe avant de se retourner et d'arborer de nouveau son regard sûr et dur.