LES RAIDS ϟ Le voyage (topic commun)

**ϟ INSCRIPTION** : 20/11/2013

LES RAIDS

première partie : le voyage (rp commun)

Voilà maintenant deux jours que les valeureux vikings de Tromsø ont embarqué sur leurs drakkars. Les dieux semblent être avec eux, la petite flotte du Jarl Hagen vogue rapidement, portée par les vents et les vagues et jusqu'à présent, nulle tempête n'est venue perturber leur voyage si ce n'est le violent orage qui a secoué le village jusqu'à leur départ. Offrandes et sacrifices ont été faits aux dieux Aegir, Ràn et Thor, dont ils ont imploré la miséricorde, afin de pouvoir atteindre les côtes d'Europe sains et saufs. Nul n'ignore que la Trinité Infernale est sans pitié à cette période de l'année, nombreux sont les marins à avoir déjà essuyé leur colère, et à avoir vu les leurs périr, engloutis par l'océan. À bord du Þórgísl, le calme règne, chacun vaque à ses occupations personnelles, enthousiaste à l'idée de découvrir, retrouver pour certains, de nouvelles contrées, lointaines et débordantes de richesses. Les raids redonnent un semblant de normalité au quotidien des hommes du Nord, ce qui n'est guère un luxe après les épreuves auxquelles ils n'ont eu d'autre choix que de faire face. Jötuns, dragons et autres divinités ont traversé Tromsø, ne laissant dans leur sillage que mort et dévastation, en plus d'un traumatisme certain pour la population. Mais les embruns et les vents marins apaisent les esprits et mettent du baume au cœur. Le trajet sera long et éprouvant, mais le Jarl assure qu'il en vaudra la peine, et que les récompenses seront à la hauteur de leurs efforts. Chaque brave sera dûment récompensé, le butin équitablement partagé, aucun distinction ne sera faite entre les guerriers et les autres.

Appuyé contre le mât du navire, Kóri songe à sa fortune prochaine, le regard porté sur l'horizon. Le ciel est découvert, le vent pousse le langskip sans que les hommes n'aient à faire d'efforts si ce n'est pour l'orienter dans la bonne direction. Éclats de voix et autres rires provenant des autres navires sont portés jusqu'au Þórgísl et arrachent un sourire en coin au viking dont les compétences de guerrier et de navigateur ne sont plus à prouver. Voilà maintenant vingt ans que Kóri participe aux expéditions, desquelles il est toujours revenu non seulement grandi, mais riche... Il a perdu un œil au cours des raids de l'année précédente, mais celui qu'il lui reste furette en tous sens, pour ne pas risquer de manquer quoi que ce soit, si bien qu'en dépit de son handicap, rien ne lui échappe. Si bien que lorsqu'il aperçoit une masse sombre flottant dans l'eau, loin devant, il se redresse brusquement et pointe dans la direction appropriée. « Là, regardez ! Il y a quelque chose dans l'eau, droit devant ! » C'est bien trop imposant pour n'être qu'un tronc à la dérive, mais... Il n'y a pas d'îles dans ces eaux. Alors, qu'est-ce donc ? « On dirait... On dirait que ça bouge ! » renchérit un second viking, les sourcils froncés. « Par Aegir... Mais qu'est-ce que... » Ils ne sont pas les seuls à avoir vu la masse non identifiée à la surface. D'un geste, Hagen ordonne à tous les navires d'affaler les voiles. Les navires ralentissent, mais au lieu de s'approcher de l'objet flottant... ils s'en éloignent ? « Qu'est-ce donc que cette sorcellerie ? Est-ce encore une mauvaise farce des dieux ? » De façon inattendue, la mer commence à s'agiter, les vagues font tanguer les navires, à tel point que leurs occupants sont parfois déstabilisés. Ces mêmes vagues semblent générées par ce qui se trouve devant eux. Un courageux se hisse en haut du mât, et tous retiennent leur souffle dans l'attente d'une explication. « C'est... C'est... Par Odin... On dirait... Non, ce n'est pas possible... » « Crache le morceau, Hallbjörn ! » Le principal intéressé hésite une seconde. Une nouvelle vague secoue le Þórgísl. « Kraken... KRAKEN DROIT DEVANT !! » Autrement dit, le Fléau d'Aegir.

**ϟ INSCRIPTION** : 20/11/2013

LES RAIDS

les rôles

les mortels

Votre objectif premier est simple : survivre à votre première (mais peut-être pas la dernière !) rencontre avec le kraken. Dans un premier temps, ce sera la panique à bord, car cet "ennemi" n'a rien à voir avec ceux que vous affronteriez en temps normal, que ce soit sur terre ou en mer ! Qu'allez-vous faire ? Décider de paniquer ? Enjoindre vos camarades à rester calmes – sait-on jamais, la créature ne fait peut-être que passer – ou vous saisir de toutes les armes à votre portée dans l'espoir de repousser la bête si elle décidait d'attaquer ? Le kraken n'est pas un petit monstre marin de pacotille, c'est une créature semblable à un calamar géant, avec des tentacules de plusieurs dizaines de mètre, une bouche munie de plusieurs rangées de dents, et doté d'une force extraordinaire. Vous l'aurez compris, le kraken est tout à fait capable d'entraîner les navires par le fond si le cœur lui en dit ! Il est donc dans votre intérêt de ne pas le titiller... Et méfiez vous... Trop de tapage pourrait attirer un autre prédateur marin, encore bien plus dangereux que le kraken... Jörmungand, cela vous rappelle quelque chose ? … Quelqu'un ?

les dieux

Le kraken ne devrait pas se trouver en surface, vous le savez tous. Heimdall n'a pas tardé à repérer la bête au milieu des mortels, et en a informé Odin immédiatement. Le Père de Tout a pris une décision aussitôt, celle d'envoyer son second fils gérer la situation, accompagné d'une petite troupe d'Einherjar, au cas où il faudrait en venir aux armes pour éloigner la bête. Mais attention : l'ouverture du Bifröst afin de déposer le prince et ses hommes sur un navire voisin de celui du Jarl risqueraient bien d'attirer l'attention du kraken... Les déités marines sont quant à elles déjà sur place – encore sous la surface – et doivent tenter par tous les moyens de détourner l'attention de leur animal des vikings, ainsi que percer le mystère suivant : comment diable le kraken a-t-il été libéré de sa cage, située au plus profond de l'océan, non loin du palais d'Aegir, et supposément surveillée quoi qu'il advienne ? Le kraken n'est pas surnommé le Fléau d'Aegir sans aucune raison et est encore moins lâché dans les océans sans motif valable... Qui peut bien être responsable de sa libération ?

Le violent orage qui a précédé le départ des drakkars semble s'être définitivement apaisé, et la clarté sauvage et vive de l'été scandinave nimbe désormais d'argent et d'or une mer d'apparence tranquille, que ride mollement un vent favorable et doux qui gonfle la voilure et nous éloigne de nos terres. Tout ceci n'a rien d'anormal, en somme, mais je m'efforce d'y voir un heureux présage, de me persuader qu'Aegir a entendu le chuchotis de nos prières, qu'il a apprécié cet acte de foi et d'allégeance, et qu'il est déterminé à protéger notre flottille et à la couver de sa bienveillante sollicitude. A dire vrai, pourtant, cette expédition ne semblait pas s'annoncer sous les plus heureux auspices. C'est un nombre plutôt restreint de valeureux guerriers qui s'est embarqué en direction des lointains rivages d'Europe. En effet, d'épouvantables guerres ont ravagé notre contrée, elles ont clairsemé la population de Tromsø, et moult fiers compagnons ont rejoint le Walhalla pour y boire l'hydromel en compagnie des dieux. Dans ces circonstances, le pillage des campagnes et des villages écossais s'avérera particulièrement ardu, et nous devrons nous montrer héroïques lorsque retentiront les hurlements rauques de l'ennemi.

Ce n'est pas tout. Durant ces deux derniers jours, j'ai eu le loisir d'observer mes compagnons d'aventure, sur le pont du Þórgísl, où chacun s'occupe comme il le peut afin de tuer agréablement le temps. S'il y a parmi nous quelques colosses, quelques fines lames et quelques vieux briscards habitués aux combats les plus épiques, j'ai pu constater qu'une poignée de frêles et charmantes jeunes femmes nous accompagne. Est-ce bien leur place sur un bateau de guerre ? Je l'ignore, et je ne ferai aucun commentaire, car je risquerais de me méprendre à leur propos. Je ne les connais que fort peu, je ne puis donc les juger. Elles ont vraisemblablement d'incontestables talents qui justifient leur présence à bord. Notre Jarl n'est pas un idiot, il sait ce qu'il fait. De toute façon, c'est l'avenir qui nous apprendra s'il avait raison ou tort. Livia est du nombre, bien entendu, car nous ne nous quittons plus désormais, mais je puis affirmer qu'elle a fait énormément de progrès en ce qui concerne le maniement des armes. Je peux sans réserve me porter garant de son habileté, même si ma tendre compagne restera toujours un farfadet gracile et délicat. Reste à savoir si elle ne flanchera pas lorsque résonneront les lames et que le sang giclera, ce qui sera une autre paire de manches que les heures d'entraînement passées en ma compagnie ou avec Hildr. Discrètement, je m'approche d'elle et passe une main dans sa crinière d'ébène. Je sais qu'elle est inquiète, qu'elle me suit par amour et qu'elle n'a aucun gène guerrier, aucune hérédité belliqueuse. Je sais aussi qu'elle apprécie mon geste mais qu'il ne suffira pas à la rassurer. J'aimerais la serrer dans mes bras, mais est-ce le bon endroit pour lui témoigner mon affection ? Se poser la question, c'est y répondre.

Soudain, un cri jaillit dans mon dos. C'est la voix de Kóri, un ancien, un dur parmi les durs. Déjà, tous les vikings à bord se sont précipités vers lui, dans un même élan, et tous tournent à présent les yeux vers une forme imprécise et mystérieuse qui tangue au rythme des mouvements de la mer, droit devant le drakkar, mais à bonne distance. D'un seul geste, Hagen intime à toute la flottille l'ordre de ralentir. Les suppositions vont bon train, alors que la mer enfle soudain et malmène les coques des bateaux. L'un d'entre nous, Hallbjörn, s'est hissé précipitamment en haut du mât, et son avertissement nous fait tressaillir : le Kraken ! Non, ce n'est pas possible ! C'est exactement comme s'il nous annonçait la fin du monde ! Si cette bête immonde est d'humeur hostile, c'en est fait de nous !

- Arrêtez de hurler, il ne nous a peut-être pas encore vus !

Réclamer le silence est la seule initiative qui me vienne à l'esprit. Bien-sûr, nous nous défendrons si nous en avons l'opportunité, mais peut-on vraiment combattre un tel monstre ?

Ma présence sur Midgard, en compagnie de nombreux mortels, n'a en réalité aucun autre but que la seconde partie des fonctions qu'Odin m'a attribuée. Je suis certes le Gardien du Bifröst mais aussi le protecteur d'Asgard et de Midgard. Et si je remplis le rôle côté asgardien à merveille, je dois confesser que les hommes n'ont pas vraiment senti ma présence depuis fort longtemps. Aussi ai-je décidé de les accompagner dans leurs expéditions. Qui sait, peut-être leur foi se montrera-t-elle un peu présente. Nous nous sommes trop éloignés d'eux et nous en payons le prix. Les mortels doivent savoir que nous sommes à leurs côtés ou sinon nous devrons nous passer d'Einherjars pour le Ragnarök.

Mais suis-je venu sur ces navires par ma propre volonté ou bien est-ce un caprice du Destin? Je me pose cette question car, à peine nous étions en mer, à peine le voyage avait commencé que, déjà, les frasques de la destinée se mettaient en jambes. Un Kraken! Grand-père...qu'as-tu fait? Ce monstre ne devait-il pas rester en sûreté près de toi? L'as-tu relâché à dessein ou est-ce un accident (ou pire, une trahison)? J'ai aussitôt prévenu le Père de Toute Chose de la situation qui m'a répondu en envoyant Tyr et de soldats. Cependant, je ne l'ai pas encore fait venir. Pourquoi? Simplement pour éviter d'attirer l'attention de la bête. Je contactai le dieu de la guerre et lui demandait alors

Mon prince? Souhaitez-vous débarquer directement? Ou bien préférez-vous une approche plus discrète? Je peux aussi tenter de contacter Aegir pour savoir pourquoi son animal se déplace en totale liberté. Quelque soit votre décision, j'obéirais.

Je n'aime pas prendre des décisions à la hâte. Et patienter est une chose qui s'avère souvent (pas tout le temps) une bonne idée. Donc autant réfléchir avant d'agir.

Thorgard s'ennuyait à mourir. Maintenant qu'elle était bien installée sur le bateau et que les orages étaient passés, il n'y avait même pas de mal de mer à soigner pour passer le temps. Assise sur un gros sac de bandages, elle passait le temps à compter les vagues. Et le temps restait à la grisaille, ce qui n'aidait pas à garder le moral. Frissonnante, elle resserra les pans de sa cape autour d'elle en tapotant négligemment le bois de son bouclier appuyé contre elle. Les voyage en bateau après les premières heures et avant les dernières, on faisait difficilement plus monotone.

Thorgard s'enfonça encore un peu dans son sac de bandages et cala son dos contre le bastingage. D'autres sacs et coffres l'entouraient, remplis de remèdes et de matériel. Elle avait prévu large: elle ne savait absolument pas si elle pourrait trouver des plantes utiles en Écosse. La vieille guérisseuse, très expérimentée, lui avait fait un rapide topo de ce qu'elle pourrait trouver là-bas, mais les souvenir de la vieillarde étaient altérés: elle commençait à perdre la mémoire. Thorgard soupira. Son corps se réchauffait sous sa cape et elle commençait à s'endormir sous l'effet de l'ennui.

Ses pensées effleurèrent le souvenir de Tyr. Le dieu de la justice s'était proclamé son divin protecteur à la suite de la bataille de Tromso et elle ne l'avait pas revu depuis. Ils se recroiseraient peut-être durant les raids... Des cris retentirent soudainement, faisant lever les yeux à Thorgard. Kraken? Sérieusement? Il fallait qu'elle voit ce prodige de près! Mi-curieuse, mi-inquiète, elle s'approcha, ses armes à la main. C'était Kori qui criait. Près de lui Thorolf venait de lui suggérer de ne pas hurler pour ne pas attirer l'attention de l'animal.

Fascinée, Thorgard se pencha un peu au dessus de l'eau pour voir l'animal avec ses énormes tentacules capable de couler le langskip d'une simple pression. Sa mâchoire se décrocha. Elle était prise d'un mélange de terreur et de fascination devant la créature: incapable d'en détacher son regard, elle resta là, ses mains crispées sur le bastingage.

Les raids

Un Kraken en liberté

Le Kraken avait quitté sa cage. Le monstre des mers s'en est allé reprendre son territoire. Le fléau d'Aegir avait trahi son maître. Sous Midgard l'annonce des gardes chargés de sa surveillance venait de faire l'effet d'une bombe. Les malheureux avaient évidemment essuyé une tempête mémorable de la part de leur reine qui ne voyait pas d'autre possibilité que la maladresse de ces incapables. Ils avaient beau se défendre comme de beaux diables, il n'y avait aucune autre explication. Du moins, refusait-elle de voir d'autres alternatives. Personne n'était autorisé à libérer la bête monstrueuse sans en avoir reçu l'ordre des déités marines. Tous le savaient. Et ce que Ràn savait tout aussi bien c'est que cette bavure arrivait au plus mauvais moment et n'allait certainement pas arranger leurs affaires. Depuis la venue de Thor, aucun autre représentant d'Asgard n'était redescendu sous Midgard pour leur chercher des crosses. Pourtant on les avait soupçonné d'être des parjures et ces soupçons ne s'étaient certainement pas envolés en même temps que le prince doré. « Bande d'idiots ! Vous rendez vous seulement compte de ce que vous avez déclenché ? Si nous venons à être accusés de haute trahison, vous le paierez de votre vie. Votre tête ne suffira certainement pas à apaiser Odin, mais cela aura le mérite de me soulager ! » « Ma Dame, nous n'avons rien à voir avec tout ceci, nous n'avons fait que constater ce tragique événement et sommes venus immédiatement vous prévenir. Mon Seigneur, vous devez nous croire. » implorèrent les malheureux en se tournant vers Aegir. Ils savaient sans doute que devant pareil tumulte le courroux de leur maître pouvait être aussi destructeur que celui de son épouse. Celle-ci, agacée par tant de pleurnicheries, leva une main les intimant au silence. « Nous règlerons cette histoire en temps voulu, mais soyez certains que tout est loin d'être terminé pour vous. »

Au fond d'elle-même, elle sentait qu'ils disaient vrai. Ils semblaient tout simplement incapable de commettre une telle bavure, ils étaient les gardiens du Kraken depuis suffisamment longtemps. Et ils n'avaient certainement pas les épaules pour commettre volontairement un tel acte de trahison. Il fallait être parfaitement suicidaire ou parfaitement fourbe pour cela. Elle se garda bien cependant de donner sa version des faits, préférant nettement conserver ces boucs émissaires sous sa coupe. Mais la question devrait rapidement trouver une réponse. Qui diable avait bien pu laisser le Kraken s'échapper ? Mais avant cela, il fallait agir pour éviter une catastrophe. La divinité marine se tourna alors vers les vagues, présentes aux côtés de leurs parents en cet instant grave. « Il semblerait que le Kraken se soit approché d'un convoi viking en partance vers les terres de l'Ouest. Il est urgent de le ramener jusqu'à nous avant qu'il ne commette l'irréparable. Ces mortels ont besoin de nous. La Mer a besoin de nous. Il est temps pour vous de montrer ce dont vous êtes capables pour la défendre. » Pour défendre votre famille et la réputation de vos parents. Car c'était avant tout de cela dont il était question. Aegir et Ràn étaient sur le point de tout perdre. La confiance des dieux comme celle des mortels. La Tempétueuse se tourna alors vers son époux. « As-tu obtenu d'autres informations ? Avons-nous reçu des nouvelles d'Asgard ? » Bonnes ou mauvaises, elle tenait à vérifier si le Père de Tout avait eu vent de cet événement. Si tel était le cas il avait sûrement des directives pour eux. Mais Ràn n'écouterait que les ordres de celui qu'elle avait épousé, s'ils suivaient évidemment sa propre pensée. « As-tu une idée sur la façon d'agir, Aegir ? »

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.

All gods are homemade, and it is we who pull their strings, and so, give them the power to pull ours.

LES RAIDS ϟ Le voyage

P our tout avouer, Tyr n’était pas mécontent de la situation. Il était las des querelles intestines, des rumeurs et des doigts accusateurs pointés vers eux. Las des procédés politiques tortueux et des questions sans réponses. Las de rester cloîtrer dans ce grand palais, à consoler une population morose et ingrate. Las d’être Justice, tandis que Guerre trépignait dans l’ombre en grondant sa rage et sa soif.

U ne cause, quelques âmes à sauver, quelques tentacules à trancher, une bonne raison d’en découdre, voilà qui tombait à pic. De tous les Royaumes de l’Arbre-Monde, Midgard était désormais le seul pour lequel Tyr était encore prêt à se battre corps et âme. Quand bien même, ce n’était pas avec son âme que l’on repoussait un Kraken, et dans son divin pragmatisme, Tyr s’était équipé en conséquences, tout comme ses hommes.
L’environnement marin leur avait fait proscrire le métal et préférés d’épaisses armures lamellaires de cuirs frappées des runes d’Asgard. Comme toujours, le bras droit de Tyr était couvert de son éternelle cape de warg gris dont quelques griffes noires et tranchantes retombaient mollement de son épaule. Il portait également sa hache et son épée, mais dans sa poigne unique, c’était un énorme harpon qui brillait tel un sceptre argenté.

I l marchait sur le pont arc-en-ciel qui menait au Bifrost, les Einherjar à sa suite, lorsque l’écho du Gardien lui parvint depuis le Monde des Mortels. Sans ralentir l’allure, l’ase médita quelques instants à la question avant de formuler sa réponse, laconique, comme à son habitude :

« Ce n’est pas à moi de lui demander des explications. Si votre aïeul souhaite se justifier sur les agissements de son monstre, faites-le moi savoir »

L e ton était sans équivoque. Il était trop difficile désormais de savoir à qui il était encore possible d’accorder sa confiance. Les allégeances et les vieilles alliances vacillaient aujourd’hui comme tant de flammèches dans un courant d’air. Était-ce là un message de la part des grandes profondeurs ? Une déclaration de guerre ? Tyr trouvait la chose improbable et pourtant, il y a peu encore, il trouvait improbable que le Kraken se balade à sa guise dans les eaux Midgardienne. Le résultat parlait de lui-même, il semblait que les probabilités défiaient parfois toute logique. Du moins, Tyr espérait que le défi ne soit lancé qu’à la logique, et pas à Asgard.

S i c’était le cas, alors soit. Aegir et sa Tempétueuse ne lui faisaient pas peur. N’était-il pas le frère de la Foudre après tout ? Des tempêtes, il en avait vu tant et tant qu’il se sentait plutôt de retour à la maison. Dur de l’avouer, mais la chose lui manquait presque.

« Faites-nous débarquer à la première suspicion d’attaque »

(c) Bloody Storm

Deux jours déjà qu'ils avaient quittés la terre. Deux jours à naviguer sur une mer plutôt clémente, Ingmar remerciant le père des mers pour cette bonne fortune. Il avait troqué, avec joie, son marteau de forgeron pour ses armes, son bouclier et son armure, entraînant avec lui son fils Bjorn. Les raids permettraient certainement aux leurs de panser les blessures encore vives qui les avaient touchées. L'air marin mais surtout les promesses de richesses que leur avait fait leur Jarl avait égayé les coeurs durement éprouvés des Vikings. Peu d'entre eux n'avait pas été affecté par les récents événements et n'eut été la présence de Tyr à ses côtés, peut-être qu'Ingmar ne serait pas encore aussi confiant qu'il ne l'était et pourtant, il était là, sur le navire, entouré de jeune guerrier.

"Oh oui qu'elle était chaude! Une véritable furie, qui en redemandait encore et encore. Faut dire qu'elle avait enfin trouvé un homme à sa taille! Vous auriez du voir le nabot qui lui servait de partenaire. HA HA HA!

Toujours là, à vanter ses divers exploits par ses nombreuses histoires. Ingmar était un guerrier fort respecté des siens, il avait fait ses preuves à maintes reprises et lorsqu'il racontait ses histoires nombreux étaient ceux qui voulaient y assister, peu importe le sujet dont il traitait. Cette fois-ci, il parlait aux plus jeunes de sa dernière concubine qu'il avait trouvé dans un village voisin, Gerda. D'après ses dires, il l'aurait soutirer à un homme incapable de la satisfaire comme lui le faisait, récitant encore et encore cette fameuse phrases, où trop d'hommes ne possédaient aucun talent pour l'acte, voir même un membre assez imposant. Orgueil de mâle, prétention, peu importait. Les rumeurs à son sujets était fort probablement exagéré, mais le surnom "la montagne" dont plusieurs l'affublaient devait bien provenir de quelque part. Captivé les jeunes guerriers rigolaient à gorge déployé jusqu'à ce qu'il entendent Kóri, un vieux compagnon d'arme hausser le ton.

« Crache le morceau, Hallbjörn ! » La réponse de ce dernier n'était pas pour plaire.
« Kraken... KRAKEN DROIT DEVANT !! »

Les rires cessèrent rapidement alors que chacun se précipitait vers l'avant du navire afin d'observer la créature. Ingmar faisait parti du lot, observant l'immense masse qui se déplaçait à la surface de l'eau. Thorolf un homme ramené d'une contrée étrangère, lança un avertissement qui faisait du sens. La créature ne les avait peut-être pas encore entendu ni remarqué, alors autant faire le moins de bruit possible. Chuchotant aux hommes près de lui, le guerrier roux leur dit néanmoins de demeurer sur leurs gardes, dégainant son épée alors qu'il envoyait son fils chercher son bouclier, son heaume, sa lance ainsi que ses propres armes.

Peu nombreux parmi les vikings possédaient un aussi bon équipement, la richesse et le métier ayant permis au fils de Magnus d'avoir ce qu'il se faisait de mieux chez les siens. Enfilant aussi discrètement que possible son casque, les mailles couvrant sa nuque et saisissant son bouclier de sa main libre, Ingmar était prêt à toute éventualité. Les guerriers présents auprès de lui suivirent ses avertissements, se préparant également en silence, tout en espérant éviter le courroux de la bête. Il entendit certains prier Aegir, lui demandant d'apaiser sa créature, de les épargner. Son fils, également armé se tenait à ses côtés, offrant une prière à Thor, lui demandant de veiller sur eux.

Pour sa part, ses prières furent à l'intention de Tyr implorant le stratège de leur montrer la bonne voie dans cette nouvelle épreuve qui s'annonçait à eux. Les yeux rivé sur la bête, il se demandait qu'elle serait l'issue de cette journée où encore une fois, ils étaient mis à l'épreuve.

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- Pantoufle versus the world -

De chair et d'eau, il s'élevait des fonds marins pour venir chercher à la surface quelque pauvre âme qui s'était aventuré trop loin de la rive. Ses tentacules semblaient sans fin et sa force ne connaissait aucune limite. Qu'est-ce qu'une épée face à la mer? Il n'y avait rien à faire, sauf peut-être offrir une dernière imploration aux Dieux pour qu'ils nous protègent de ce mal sournois. Combien de temps avant notre dernier souffle?

Le voyage rituel des guerriers du nord avait débuté. C'était une période charnière de l'année autant pour ces hommes assoiffés d'aventure et d'or que pour les dieux de la mer. D'ordinaire, Aegir aurait répondu aux prières pieuses des marins et de leurs femmes restées derrière pour garder un œil sur ce qui leur était le plus cher. C'était ce qui était prévu, ce qui se faisait à chaque année. Une routine barbare, sauvage même à ses heures, mais elle s'inscrivait dans le cours de la vie viking et tout le monde y trouvait son compte. Pourtant, les derniers temps avaient été obscures et il semblait que tout Yggdrasil avait perdu ses racines immuables et se laissait tomber dans un vide infini. Dans sa chute, l'arbre-monde emportait avec lui l'ordre des choses et bousculait tout ce à quoi le vieux déité s'accrochait si farouchement depuis des siècles. Il n'y avait ni repos ni accalmie pour l'époux de la tempête. Cette année, quelqu'un s'était amusé à jouer avec les conventions et tous les regards se porteraient bientôt sur le maître du fléau qui s'abattait sur les navires en plein voyage. La trahison était devenue monnaie courante à la cour d'Odin et la traque aux félons ne ferait que s'intensifier si cet épisode malencontreux venait à être su. Aegir se doutait pourtant que ce n'était qu'une question de temps avant que des troupes divines ne viennent perturber l'instable créature et la pousser dans ses derniers retranchements, cherchant à tout prix à sauver sa propre peau, tuant du même coup quiconque se mettant au travers de son chemin. Le kraken avait gagné au fil du temps une place bien spéciale au sein du clan de la mer et Aegir sentait ses instincts protecteurs se réveiller rapidement. Lui qui avait vu ce petit poulpe alors qu'il pouvait tenir au creux de la main de sa fille Kòlga, il était désormais assez grand pour faire frémir toute la Norvège.

De la rive, on voyait la créature se promener librement et on devinait l'agitation sur les bateaux. Le Dieu de la mer entendait les murmures de ceux qui l'imploraient de les sauver d'une mort atroce. Des voix plus forte leur offraient toutefois une rude concurrence. Entre les reproches de sa femme et les excuses de ses serviteurs, Aegir n'arrivait pas à rester concentré sur le véritable problème. Leurs yeux de biche ne changeraient rien au châtiment qu'ils devraient subir quand tout ceci serait terminé. « Vous avez entendu ma femme, je ne crois pas avoir à répéter ses propos. Hors de ma vue. » Le départ rapide des gardiens de la bête avait certes apaisé l'ambiance sur la côte. Quelques vagues et quelques guerriers au service de la mer accompagnaient le couple tourmenté, mais désormais, tout le monde était silencieux, enfin. « Depuis quand requiers-tu l'aide d'Asgard pour gérer nos situations familiales? » un petit sourire en coin se dessinant sur ses lèvres lorsqu'il se tourna vers Ràn. Il n'était pourtant pas dupe et savait très bien qu'un échec garantissait à toute sa famille une existence de parias. Traîtres, voilà ce que l'on dirait d'eux partout dorénavant. D'Aegir le juste, le fier et le grand, il deviendrait une épave de plus au fond des mers, oublié de tous.

Son regard se porta sur l'horizon agité. Il fallait attirer le kraken vers les profondeurs où, loin des regards indiscrets, le clan maritime pourrait le forcer à regagner sa cage. « Mes filles, il est grand temps que la mer montre ce dont elle est capable. Avec vos vagues, nous allons ramener Pantoufle à la maison. » Les courants auraient raison de son immensité, il n'y avait pas de raison pour que la mer ne réussisse pas à maîtriser son enfant le plus terrible. Les bras levés, le Roi des océans marmonna quelques vieilles runes et concentra son esprit sur son élément. La masse d'eau se mouvait, passant de quelques clapotis de vagues sur la rive à de grandes secousses qui faisaient maintenant tanguer les bateaux à la dérive. La mer se levait et s'abaissait rapidement et un courant sinueux se dessinait lentement au fond des abysses. Bientôt, les vagues s'ajouteraient à leur père. Bientôt, la mer prendrait le contrôle. Ces pauvres guerriers en verraient de toutes les couleurs aujourd'hui, mais Aegir n'avait pas l'impression de trahir leur confiance. Après tout, ils étaient des marins. S'ils n'étaient pas bâtis pour réussir à repousser un monstre légendaire des profondeurs marines, ils savaient comment affronter la fronde des vagues. C'était dans leur nature.

Une année. Enfin un peu plus d'une année s'est écoulé depuis mon arrivée à Tromsø. Et me voici de nouveau sur l'un de ces étranges bateaux capables de remonter les fleuves et les grandes rivières : le Þórgísl. Un flot de souvenirs m'assaille depuis que nous sommes à bord. Il y a un an, je suis arrivée, future Thraell, dans l'un de ces navires. Aujourd'hui, j'accompagne celui qui est devenu bien plus que mon maître, mon ami, mon amant, mon compagnon aux yeux du village.
Nous voguons vers l'Écosse, d'après ce que j'ai compris, c'est assez loin de York, et de ma famille, pour que je n'éprouve ni mal du pays, ni remords sur ce que nous allons y faire. Tromsø a bien trop besoin de tout ce que ces raids pourront lui apporter, après l'hiver meurtrier, les sautes d'humeur de la nature, et les ravages du dragon qui s'acharne sur nos forêts.
Je suis tirée de mes réflexions par Thorolf qui glisse ses doigts dans mes cheveux liés en de longues tresses. Surprise, je lui souris, car la tendresse n'a pas le droit de citer sur un langskip, nous partons au combat. Nous sommes tous des guerriers sur ce pont, les hommes comme les femmes, mêmes si certaines semblent aussi fragiles et inexpérimentées que moi. Les leçons de Hildr et Thorolf m'ont certes aguerrie, et entraînée à me battre, mais je ne me suis pas encore confrontée à un véritable adversaire. J'espère juste être à la hauteur, lorsque le danger se présentera …

Des cris éclatent soudain, annonçant à la stupéfaction et la crainte générales la présence du Kraken au milieu de notre flotte. Le Kraken, moi qui pensais que ce n'était qu'une légende destinée à effrayer les enfants turbulents ! Malheureusement ce qui agite soudain la mer et qui allume des lueurs de panique dans les yeux des marins, c'est bien réel ! Accrochée au bras de Thorolf qui vient de réclamer le silence, je l'entraîne vers le bastingage. Je veux voir cet animal mythique, tout comme j'ai tenté d'apercevoir le dragon, à la fois morte de peur à l'idée de l'affronter, mais fascinée par son existence, sa réalité. Thorgard, notre guérisseuse est déjà accrochée au bordage, sondant les flots qui se soulèvent, désarçonnant notre embarcation qui tangue violemment.
Projetée contre le plat-bord, je m'agrippe instinctivement à la rambarde, pour découvrir l'ombre sombre et menaçante du Kraken qui se déplace entre les navires, créant des remous en proportion de sa taille immense. Je distingue ses tentacules, qui ondulent derrière son corps oblong. Des murmures se répandent sur le langskip : des prières, des prières aux déités de la mer. Chacun prie et fourbit ses armes, attendant les ordres du Jarl. Mon regard inquiet s'arrête sur certains de nos compagnons d'infortune, Asa la jolie tisserande, la silencieuse Brynja, Anja notre völva, et ce grand homme roux à l'armure étincelante, dont je ne me souviens plus le nom, si ! Ingmar quelque chose …

D'une voix mal assurée, j'essaie de me faire entendre de mon compagnon, et de ma voisine toujours cramponnée au bastingage :
- Bon sang, Thorolf, c'est énorme, quand lui bouge, lui déclenche vagues toujours plus hautes. Nous bientôt avoir grosse tempête comme dernière fois. Faut dire, faut attach ...

Mais je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, la houle se fait puissante et soulève le navire comme s'il n'était qu'un vulgaire fétu de paille. Des cris de panique, des ordres, des appels résonnent, chacun essaie de se maintenir à son poste, malgré l'instabilité du navire qui gîte dangereusement.

Moi aussi, je prie ...

Les flots s'agitaient et ce n'était pas seulement à cause des remous créés par le monstre marin, autres chose était en oeuvre en ce moment, quelque chose de plus puissant. La mer elle-même semblait se lever contre le monstre, entraînant dans sa danse les navires Vikings. Les premiers soubresauts ne causèrent pas réellement de soucis aux hommes habitués à la mer, mais ceux-ci allèrent rapidement en s'intensifiant. Les prières reprirent de plus belle.

Ingmar observait toujours en silence la créature qui peu à peu se retrouvait à la hauteur des drakkars, ses tentacules menaçant à chaque instant d’attraper l'un des leurs ou encore un navire. Le Jarl semblait observer la même tactique que le guerrier, n’ordonnant encore rien, préférant attendre le moment propice. Soudainement le navire tangua violemment. Une vague? Le monstre ayant frappé contre le navire? Nul n'aurait été en mesure de le dire tellement le chaos environnant occupait les esprits.

Le guerrier roux remarqua toutefois une chose, son fils qui perdait l'équilibre, il tendit le bras pour l'atteindre, mais trop tard. Donnant contre la rambarde, il bascula à la mer. La terreur pu se lire sur le visage du forgeron.

"BJORN!!!"

On s'agitait, sans grand effet, essayant de ne pas perdre le jeune homme des yeux. Ingmar pour sa part agit rapidement. Son casque tomba sur le pont en moins de deux secondes, ses armes et son bouclier allant rapidement le rejoindre. Il criait à un jeune guerrier près de lui. Une corde. Il avait besoin d'une corde. Son armure quitta ses épaules, agrippant la corde qu'on lui tendait. Les hommes situés près de lui l'observaient ne sachant pas trop ce qu'il avait en tête.

La corde fût attachée à sa taille. Dès l'instant où il avait vu son fils tomber à la mer, il s'était fait à l'idée de plonger. Courage, folie, un peu des deux. Son fils était ce qu'il avait de plus cher sur ce monde et sa vie valait bien la sienne. Se retournant, il lança l'autre extrémité de la corde dans les bras du premier homme qu'il croisa du regard. Le forgeron s'adressa ensuite aux hommes près de lui.

"Dès que j'attrape mon fils, vous nous tirez"

Prenant son élan, il repéra son fils et sauta par-dessus bord, dans cette mer si peu accueillante, sous les cris de ses compagnons d’arme qui tentaient de le dissuader d’une telle manœuvre. Alors que ses pieds quittaient le navire, il adressa une prière aux divinités qui régissaient cette puissante furie aqueuse et salée.

"Aegir seigneur des mers, j'implore ta bonté afin de préserver mon fils, maintient le à flot le temps que je puisse le sauver. Permet moi de franchir, sans soucis, les étendus de ton domaine qui me sépare de lui. J'implore ta bonté père des mers. Ràn déesse des tempêtes apaise ton courroux afin de permettre à un mortel de sauver son fils. Que ta splendide furie s'estompe un bref moment pour cet homme qui t'implore et souhaite sauver son enfant."

L'énorme masse du Viking donna contre les flots, disparaissant un bref moment du regard de ses compagnons encore debout sur le pont du navire. Avec la force du désespoir, Ingmar réussi à rejoindre la surface, l'eau glaciale fouettant son sang. Il ne serait pas en mesure de nager bien longtemps dans cette mer tumultueuse et glacée. Son regard repéra son fils alors qu'il était sur le somment d'une vague. Il s'élança espérant obtenir réponse à ses prières et sauver son fils.

**ϟ INSCRIPTION** : 20/11/2013

LES RAIDS

première partie : le voyage (rp commun)

La bête semble calme. Trop calme. L'on dit que le calme précède toujours la tempête, et une fois de plus l'adage dit vrai. Voilà bien longtemps que le kraken n'avait plus nagé librement dans les eaux midgardiennes... Et pour cause : la bête, loin de ses maîtres, est incontrôlable. Certains dieux comparent l'animal à un enfant capricieux, n'hésitant pas à n'en faire qu'à sa tête et à prendre les jouets qu'il désire lorsqu'il le désire... Divins comme mortels savent que les navires fracassés jonchent le sol marin, la plupart toujours habités par les pauvres navigateurs victimes du kraken. Sa présence sur la route maritime des vikings de Tromsø – à présent réputé à travers toute la Scandinavie pour être le lieu de visite favori des Ases – n'est-elle pas... fortuite ? Un peu trop peut-être. Il ne peut s'agir ni d'un malheureux hasard, ni d'une triste coïncidence. Et dans un domaine aquatique aussi étendu que celui d'Aegir, hasard et coïncidences n'ont pas leur place. Le kraken savait où se rendre après ce qui semble être une fuite autorisée, et cela ne peut être bon signe... Un être malintentionné a libéré le monstre, et lui a montré le chemin à emprunter pour être certain de croiser les navires vikings. Dans quel but... ? Les malheureux mortels sont sur le point de le découvrir. Lentement – du moins pour un animal de son envergure – le kraken se meut. Il sent ses maîtres le rappeler, sent l'océan s'agitait autour de lui. Sa liberté à peine retrouvée, on cherche déjà à l'en priver ? Il n'en est pas question. Son Libérateur lui a dit qu'aucune créature telle que lui ne devrait endurer la souffrance d'une captivité forcée. Ils sont deux à rester tapis au fond des mers, relégués au rang de mythes aux yeux des mortels... Deux. Le premier n'est autre que lui-même, le kraken, la Terreur des Océans, le Fléau des Flots. Affublé d'un quolibet ridicule par les filles d'Aegir qui pensaient pouvoir le dompter... Le second est un acteur encore absent du drame qui s'apprête à se jouer. Mais le Libérateur l'a promis, il va aller le libérer. Il ? Le Serpent de Midgard, le Dragon du Nord... Jörmungand. Que pourraient bien les dieux et mortels, face à deux créatures ainsi alliées ? Bien peu de choses... Une paire de tentacules monstrueux, de plusieurs dizaines de mètres s'élèvent au dessus des eaux, soulevant par la même occasion une vague déferlante qui vient s'écraser contre les navires vikings, les plus petits se soulèvent et se retournent, dans le chaos le plus complet. Quelques hurlements s'élèvent, avant que même les récemment naufragés ne se taisent. Tous retiennent leur souffle, accrochés à des débris flottants ou au bastingage. Et puis, les deux tentacules retombent lourdement et s'écrasent au milieu de la flotte de Tromsø. Quelques navires sont pulvérisés sous leur poids, et l'onde de choc soulève de nouvelles vagues encore plus terribles que la première, vagues qui menacent de réduire la flotte à néant et tous les marins à l'état de cadavres. Le plus effrayant ? C'est à peine si le kraken a fait usage de sa puissance.

Agitation et frayeur s'intensifient et s'immiscent en chacun de nous, comme un poison mortel, comme la plus vénéneuse des ciguës. Les prières grimpent au ciel, mais il s'agit là d'armes bien dérisoires contre l'épouvantable bestiole. Car ce que je craignais se produit : en dépit de notre discrétion, il est vrai plutôt relative, le Kraken s'est avisé de la présence de notre flottille, et la mer, notre mer, se métamorphose en une succession de falaises mouvantes et rageuses qui écrasent tout sur leur passage. Agglutinés à l'avant du drakkar, nous sommes impuissants, nous ne pouvons qu'observer la course de ces rouleaux menaçants, en espérant qu'elle nous épargnera. Ainsi que Livia parvient à me le chuchoter, ces rouleaux sont si nombreux et si impétueux qu'ils paraissent surgir des quatre points cardinaux pour nous envelopper de leurs formidables remous.

Machinalement, je serre ma précieuse compagne contre moi, contre le bastingage, mais sans vraiment la voir, car mes yeux sont fascinés par le tourbillon des eaux et les dimensions du monstre. J'entends soudain prier mon Anglaise, et je l'imite, je prie comme jamais, je prie avec toute la foi et toute la conviction qui vivent en moi. Avec une pensée pour la pauvre enfant qui frissonne entre mes bras, et qui doit amèrement regretter son île, en cet instant précis, même si elle y était confrontée à la cruauté d'un homme.

Un cri a soudain jailli sur le pont, un cri perçant qui couvre un bref instant le tumulte des flots déchaînés. Je n'ai pas assisté au début de la scène, mais je comprends, à l'affolement d'Ingmar, qu'un premier drame s'est produit. Et, effectivement, le rouquin se déleste de tout l'équipement qui l'encombre, il réclame un cordage, s'empare d'une de ses extrémités, et se rue dans la frénésie des eaux. A plusieurs, nous empoignons l'autre terminaison de la corde, afin que le viking ne soit pas totalement livré à lui-même, et nous assistons à ses efforts pour rejoindre son fils, emporté par les vagues, et prêt à se noyer. Il y a, à mon sens, peu d'espoir qu'il puisse y arriver, mais cette tentative, ce sacrifice, ce courage, méritent un respect considérable.

Cette atroce péripétie m'a fait perdre de vue la hargne et les soubresauts du Kraken. C'est soudain une montagne liquide qui se précipite sur le pont de drakkar, bousculant tout sur son passage. Dans la confusion, je lâche la corde, je happe une main de Livia, et je cherche des yeux un quelconque abri pour m'y ruer avec elle, mais nous n'avons pas le temps de faire un pas, la mer nous soulève, nous roule, nous emporte comme de simples brindilles, et nous avale avec voracité. Un bref instant, je perds la main de ma musaraigne, je me projette vers ce que j'espère être la surface, et je la retrouve à mes côtés, aussi haletante et apeurée que moi.

- Accroche-toi ! ... dis-je en l'enveloppant de mes bras, alors que de nouveaux remous s'ingénient à nous éloigner du bateau. J'agite désespérément les jambes pour surnager, j'essaie d'indiquer à Livia qu'elle doit en faire autant, mais une vague nous heurte de plein fouet et nous catapulte au loin sans que je puisse lui parler davantage. La suivante nous porte durant quelques secondes, et nous avons juste le temps d'apercevoir, entre deux drakkars, les tentacules du Kraken qui s'abattent dans la mer et soulèvent un geyser d'écume blanche. Par bonheur, le monstre paraît choisir une autre direction que la nôtre, et une planche arrachée à la coque d'un drakkar flotte à proximité de nos corps transis. Côte à côte, ma crevette et moi souquons de toute la force de nos bras pour l'atteindre ...

Les raids

Un Kraken en liberté

Depuis des temps ancestraux, Ràn veillait sur cette bête. Elle l'observait et la choyait, captivée par cette force brute et déchaînée qui émanait d'elle. Le Kraken était aussi imprévisible que l'océan lui-même. Elle l'aimait et l'admirait pour cela. La Tempétueuse connaissait sa créature, du moins le croyait-elle dans toute son arrogance. Et elle savait donc que le pire était sans doute à venir. Sous l'impulsion de son époux et de leurs filles, la mer commençait doucement à s'agiter afin de faire comprendre au fugitif qu'il était temps de rentrer au bercail. Les bateaux commençaient à tanguer sous la houle et déjà des dizaines de prières arrivaient aux oreilles des déités marines. Celle désespérée d'un homme tombé dans les flots pour secourir son fils attira l'attention de la déesse. La témérité et le sacrifice du marin l'interpella vivement mais la légendaire créature ne lui laissa guère le temps de réagir pour secourir les malheureux. Car déjà ses monstrueuses tentacules s'abattaient sur les embarcations, aussi frêles pour elles que de vulgaires baguettes de bois. C'était à présent la panique totale chez les mortels ce qui rendait l'intervention des dieux plus compliquée encore. Quelques navires avaient déjà rendu l'âme laissant sur la surface bleutée des débris sur lesquels tentaient de survivre de malheureux naufragés. Ce n'était rien, ce n'était rien quand on connaissait le Kraken aussi bien que Ràn et les siens. La déesse savait qu'il fallait agir sans plus tarder car cette démonstration "timide" suffirait malgré tout à écraser toute la flotte de Tromsø en un temps record. Il fallait répondre aux prières de ces malheureux et rappeler le monstre avant qu'il ne soit trop tard. La Tempétueuse comprit alors qu'elle devait tenter le tout pour le tout, quitte à faire autant de dégâts que sa bête.

« Il faut le séparer des embarcations, le forcer à lâcher prise. Lui faire comprendre que nous sommes là. » lança-t-elle catégorique aux siens. Elle se tourna alors vers ses filles qui avaient à présent une part essentielle à jouer. « Vous avez entendu les prières de ces marins. En ce jour aucun d'eux ne doit être admis en notre palais. Je fais confiance à vos vagues pour les protéger tandis que je me charge de la bête qui les terrorise. » Sans plus attendre celle que tous nommaient la Tempétueuse prépara ce qu'elle savait faire de mieux. Le ciel s'obscurcit soudain et un vent puissant s'engouffra dans les voiles qui tenaient encore debout. Soudain, une vague s'interposa entre le Kraken et la flotte de mortels. Une vague immense, un mur d'eau gigantesque digne d'un raz-de-marée. Les secondes passaient et elle prenait en ampleur, menaçant mortels et monstre marin de son imposante silhouette. Puis, elle s'écrasa avec force en direction du Kraken. La créature émit alors un horrible grondement, certainement frustrée de se voir ainsi fustigée par ses maîtres. Elle recula des embarcations pendant un court instant mais ne retourna pas vers les profondeurs pour autant. Consciente de ce que cela signifiait, la déité marine laissa échapper un hurlement de rage et de frustration. Leur monstre serait bien difficile à déloger. Et pour couronner le tout aucune autre déité ne semblait donner signe de vie. « Qu'Odin et son incapacité à gérer ses ouailles aillent pourrir au royaume de Hel ! » blasphéma-t-elle sans une once de remords. « Je n'ai pas l'intention de payer pour les erreurs des autres ! Aegir, il faut rappeler cette bête avant qu'il ne soit trop tard. » Après tout, il était le « fléau d'Aegir », pas le sien. Malgré toute sa volonté, malgré l'attachement qu'elle ressentait pour cette créature, elle fut toujours plus docile face au roi des mers. Ràn pouvait tenter de le dompter mais elle était persuadée que son époux serait le seul que le Kraken daignerait écouter en cet instant.

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.

All gods are homemade, and it is we who pull their strings, and so, give them the power to pull ours.

LES RAIDS ϟ Le voyage

Brusquement, Tyr et ses hommes furent happés par une lumière aux milles couleurs, plongeant au travers du temps et de l’espace, jusqu’aux profondeurs les plus sombres de Midgard. L’éclair creva les nuages ténébreux du monde des Hommes pour fondre sur l’une des embarcations et en frapper la poupe de plein fouet.
Au cœur de la tempête apparut donc le Bourreau d’Asgard, car ce n’était point de Justice dont nécessitaient les Midgardien, mais bel et bien de Guerre.

Se cramponnant solidement au fasciés grimaçant qui ornait le nez du bateau, Tyr balaya le chaos d’un regard écarquillé. Déjà dénombrait-il les embarcations toujours entières tout comme le nombre de silhouettes qui luttaient contre les flots enragés. Quant à la bête, il n’était nul besoin de la chercher. Où que l’on observe, elle était là, béante, gargantuesque et tentaculaire. Le Fléau d’Aegir n’était certes pas le premier titan qu’il devait affronter, mais sur l’instant, Tyr le Humble fit une découverte sur lui-même. A savoir qu’il préférait affronter dragons, Jotuns et loups géants plutôt que cette hideuse araignée des flots.

Comme en réponse à ses pensées belliqueuses, une vague de la taille d’un Troll vint le gifler méchamment, détrempant tout le pont et ses occupants, Asgardiens comme Midgardiens. Le fils d’Odin ne silla pourtant pas, ni n’éprouvait aucune peur. Œuvrer à ordonner le chaos, voilà quel avait toujours été son rôle. Qu’il soit de feu, de glace ou d’eau, le chaos se devait d’être ordonné, quoi qu’il en coute.

Ainsi, ses premiers ordres tombèrent et plusieurs des Einherjar plongèrent sans hésiter au cœur des vagues afin d’aider les naufragés à regagner un navire ou un débris capable de les accueillir. Les autres prirent possession des rames car Tyr n’allait certainement pas attendre que l’animal massacre la flotte entière. Si les hommes voulaient survivre, ils devaient entamer des manœuvres de dispersions afin d’éparpiller la flotte. C’était donc vers l’embarcation qui accueillait le Jarl que se dirigea Tyr, tandis que son esprit tactique cherchait une explication au phénomène qu’ils affrontaient aujourd’hui.

Etait-ce là de ces hasards douteux à mettre sur le compte de l’humour noir que possédaient les Nornes ? Le Prince se serait volontiers borné à le croire, simplement car l’alternative ne l’enchantait point. Quelqu’un avait-il ouvert la cage ? Aegir lui-même aurait-il osé, comme représailles envers Odin ? Pourtant les éléments déchainés prouvaient que le Seigneurs des Eaux et les siennes œuvraient contre la bête. Le mystère restait pour l’instant entier, et même si le ciel torturé, les vagues fougueuses et l’écume bouillonnante démontraient approximativement de leurs intentions, la famille des profondeurs ne semblait pourtant pas avoir l’intention de se mouiller pour agir. Lorsque l’animal ne répondait pas au coup de sifflet, ne restait plus que les coups de bâtons. Ou plutôt, les coups de harpons, car si l’immonde et dévastatrice bestiole ne consentait pas à retourner sagement dans ses appartement, parole de Tyr, il s’en allait lui enfoncer son harpon jusqu’au fond du gosier s’il le fallait.

Son embarcation filait toujours vers celle du Jarl et au passage, quelques cordes furent jetée à l’eau pour repêcher quelques malheureux épuisés de lutter contre les vagues opaques et mortelles. Avant d’atteindre son but, le Prince s’adressa en premier lieu au Kraken lui-même :

« Fléau d’Aegir ! Désertes la surface et regagne tes profondeurs ! Obéis à tes maîtres, ou affronte le courroux d’Asgard et la justice d’Odin ! »

(c) Bloody Storm

You don't drown by falling in the water,
You drown by staying there

LES RAIDS VIKINGS

À partir de quel moment le courage se muait-il en stupidité ? Tout ce que la jeune muette avait voulu, c'était lutter contre ses peurs, lutter contre l'image de la pauvrette sans défense qu'elle renvoyait en permanence. Ainsi, elle avait supplié le Jarl de la laisser embarquer sur le Þórgísl, et ce dernier avait accepté, au plus grand dam d'Ivar et de ses fils. Brynja, bien que n'ayant que très peu le pied marin, n'avait pas regretté sa décision... jusqu'au moment où l'un des vikings de l'embarcation avait hurlé kraken. Maudite, avait-elle alors songé, je suis maudite. Eyvindr lui avait presque aussitôt hurlé de s'accrocher, et elle ne s'était pas faite prier pour se rapprocher du mât et nouer une corde autour de sa taille pour ne pas être précipitée par dessus bord à la moindre petite vaguelette. Merveilleuse idée, mais si le monstre marin décidait qu'elle devrait goûter à l'eau salée, eh bien, elle goûterait à l'eau salée. Ragnar et Ivar lui avaient conté mille et une histoires à propos du kraken, et c'était toujours la même morale que l'on pouvait en tirer... Il ne faisait pas bon être un marin lorsque le Fléau d'Aegir était de sortie. Absolument terrifiée, la jeune muette se mit à prier tous les dieux de la création, et en particulier Aegir, Ràn et Thor. Faites qu'ils maîtrisent la bête, faites qu'ils maîtrisent la bête... Des navires avaient déjà été renversés, les hurlements des marins ne faisaient que paniquer la jeune femme davantage. Elle avait été stupide de présumer que la traversée se ferait sans heurts, stupide de croire que pour une fois, quelque chose irait dans sa pauvre existence... Lorsque le silence retomba brusquement, Brynja crut un instant à un miracle. De ses mains tremblantes, elle osa défaire le nœud qui la tenait accrochée au mât, elle se rapprocha du bastingage... Grossière erreur. Le voilà, le moment où le courage laissait place à la stupidité. Lorsque deux ombres s'élevèrent dans le ciel, elle fronça les sourcils et s'interrogea, à l'instar de tous ses compagnons. Et comme eux, elle ne réalisa que bien trop tard de quoi il s'agissait... Deux énormes tentacules, qui s'abattirent avec force et fracas sur l'eau et les navires. Le choc fut tel que plusieurs embarcations furent pulvérisées sur le coup, et les autres virent une immense vague déferlante arriver sur eux. Brynja écarquilla les yeux, chercha à se raccrocher à quelque chose... Trop tard. Elle vit Sindri tendre les bras vers elle pour tenter de la rattraper, eut l'impression d'effleurer ses doigts... Et elle bascula par dessus bord. De toute évidence, quelqu'un à Asgard avait décidé qu'il fallait absolument qu'elle meurt noyée, et cette fois-ci, Rym n'était pas la pour lui porter secours. L'eau salée et glacée lui brûlait les yeux et la gorge, c'était un millier de fois pire que celle de la rivière. Elle avait cru le courant de celle-ci fort, ce n'était rien en comparaison d'une mer déchaînée. Elle avait beau lutter de toutes ses forces, elle ne parvenait à retrouver la surface et l'air qu'une paire de secondes par ici, une paire de secondes par là. Les débris flottants la heurtaient parfois avec violence, il lui était impossible de nager pour rejoindre le Þórgísl ou les cordes qui avaient été lancées pour secourir les marins naufragés. Pis encore, le courant marin, non content de l'éloigner de son embarcation, la conduisait près du kraken, dont elle pouvait distinguer l'immense silhouette sous l'eau... Elle aurait préféré que Thor la foudroie dans l'instant plutôt que de finir dévorée ou noyée par ce monstre.

FICHE PAR ELBERETH.

Pantoufle a été relâché ? La chose pouvait paraître anodine au premier regard, sauf lorsque la dites bête avait décampé loin de sa cage sans qu’aucun ordre n’ait précédé l’anomalie. En ce jour sombrement inquiétant, la famille des mers devait se hâter de démêler la nature de cette escapade imprévue, ou l’enfant déroutant avait su se frayer un chemin entre les mailles du filet. Et ce, si possible avant que la créature n’ensevelisse les innombrables navires partis de bon matin dans les entrailles marines. Et entraîner dans la foulée des vies par centaine qui risqueraient de fâcher la reine des morts par un excès de travail inattendu.

Mais chercher le coupable n’était pas dans l’ordre des priorités de la famille des mers. Pas quand la source de leurs prières menaçaient de s’éteindre sous la férocité du géant céphalopode. Spectateurs abasourdis, le couple des mers et leurs progénitures contemplaient la hargne de leur animal. Celle-là même qui s’étendait à l’horizon, l’empourprant de ses dévastes millénaires...

Conformément à l’ordre de leur paternel, les filles de la mer se joignirent aux remous déjà existants pour tenter d’annihiler l’avancée du kraken. De le forcer à se désintéresser de cet appât de mortels affriolants. Les vagues ondulèrent avec irrégularité sous la coque des navires oscillants dans l’écume marine, ce, dans l’unique but de réfréner les ardeurs de leur compagnon avide de rébellion. Mais leurs efforts furent accueillis par une maigre récompense. De quoi chatouiller Pantoufle pendant un laps de temps trop éphémère pour en récolter un quelconque contentement. Même l’orage déchaîné par la mère des tempêtes ne sut rebrousser complètement la bête. Voilà une situation bien mal engagée…

La neuvième vague ne put contenir une grimace lorsque des lambeaux de proues éclatèrent au sein de ses remous. Des corps s’agitant désespérément pour leur survie... La peur et le désespoir éclaboussant ses propres vagues… Son cœur fut embaumé d’un triste chaos devant cette race qu’elle chérissait tant et qui, malheureusement, de par leur faible constitution, périssaient si facilement devant les forces parfois terrifiantes de la nature. Mais aussi bien elle que ses sœurs ne purent demeurer apathiques aux prières criardes des infortunés pris entre les violents roulis d’eau salée édifiés par le colossal nautile. Le dieu de la guerre pouvait se targuer de balancer des cordes pour venir aux secours des malheureux, certains n'avaient ni la force, ni l'opportunité de saisir celles-ci en certains endroits éloignés. C’est pourquoi les huit vagues, la fierté du couple des mers, parvinrent finalement à se synchroniser pour dompter les flancs de l’océan. De vagues fermes mais bienveillantes, qui, en des roulements de la sombre écume, ramenèrent les naufragés sur les navires encore en état de voguer et, peut-être, d’échapper à la voracité de Pantoufle. Les retrouvailles avec le bois usagé du ponton ne fut pas toujours de pleine douceur pour certains rescapés, mais le principal fut que tous retrouvèrent un appui ferme auquel s’accrocher, loin de la mer déchaînée à l’endroit même où le calmar géant s’agitait d’une ardeur légendaire…

Campée entre deux de ses aînées, Hefring ne s’en retrouva pas satisfaite pour autant. Pas tant que le fléau des mers trônait allégrement autour des drakkars, petites silhouettes tanguant fortement à l’horizon, loin de la terre ferme. Mais ni elles, ni la déesse des tempêtes, n’avaient la suffisance nécessaire pour maîtriser leur animal fétiche. Pas en ce jour de mauvaise humeur, ou la bête avait décidé de n’en faire qu’à sa tête. Pourtant, il fallait la maîtriser au plus vite. Avant que tous les valeureux guerriers partis combattre ne se fassent broyer par des bras de tentacules… La cadette coula un regard furtif vers son père, qui, il fallait bien se l’avouer, était le seul en mesure de maîtriser un tant soi peu son cet antique fléau qu'est le sien. Ce n'était pas le "fléau d'Aegir" pour rien...

Thorgard rouvrit les yeux. Il faisait sombre, elle se sentait flotter. Que c'était-il passé? Le froid était terrible. C'était donc cela le royaume d'Hel? Si elle n'était pas morte au combat, les portes du Valhalla ne lui avaient évidemment pas été ouvertes. Mais impossible de se souvenir des circonstances de sa mort. Tout était aussi sombre que l'endroit où elle se trouvait. Thorgard fit un effort de mémoire... elle se souvenait vaguement de tentacules monstrueux aux dessus de la surface de la mer... Le kraken! Il avait dû passer à l'attaque. Et elle par dessus le bord. Quelle façon stupide de mourir vraiment... Il n'y avait qu'à elle que ce genre de choses arrivait. Et si jeune en plus, quel dommage.

Elle réalisa alors à quel point elle manquait d'air. Elle n'était pas encore noyée. Le royaume d'Aegir était magnifique et mystérieux, mais elle ne voulait pour rien au monde en faire sa demeure éternelle. Elle préférait la terre riche et féconde dans laquelle on pouvait planter les talons et regarder les étoiles tourner dans le ciel en rêvant au cosmos, aux autres mondes et aux merveilles d'Asgard. Sous l'effet du manque d'air, Thorgard ouvrit la bouche et elle se remplit d'eau salée, emplissant lentement sa gorge. Encore plus paniquée, elle battit de façon désordonnée les jambes et les bras pour remonter à la surface. Elle creva l'onde et crachota de toute ses forces, puis inspira violemment, les poumons rendus douloureux par l'eau salée et l'effort.

Le répit fut de courte durée, puisqu'une énorme vague lui remit aussitôt la tête sous l'eau. Elle s'y attendait presque et eu le temps d'inspirer. Elle remonta dès qu'elle pu et lutta pour rester à la surface. Thorgard était seule face aux éléments. Personne ne se rendrait compte de son absence avant que la tempête ne soit calmée et le péril écarté. C'est à dire bien trop tard. Seul les dieux pouvaient la sauver à présent. Et vu qu'avec un kraken en liberté, il avaient d'autres chats à fouetter qu'une petite humaine qui se démenait comme une mouche se noyant dans un bol d'eau. Il fallait qu'elle gagne du temps. Elle commença par glisser ses pieds hors de ses bottes. Sans ce poids, elle flotterait plus longtemps. Elle dégrafa aussi sa cape, mais ne pu se résoudre à se défaire de son épée.

A la faveur d'une vague un peu plus bienveillante, Thorgard s'accrocha avec l'énergie du désespoir à un morceau d'épave. Si les vagues ne l'éloignait pas trop des bateaux, elle finirait peut-être par être repêchée. Suspendue à sa planche, elle supplia Tyr, son protecteur et Aegir, le roi des mers, la tête tournée vers le ciel, implorant leur aide, puisque nul humain ne pouvait venir à son secours. Ils étaient son unique chance de salut. Sinon, Thorgard serait noyée et reposerait jusqu'au Ragnarök sur le fond sableux de la mer. Elle ne savait même pas si les morts en mer se relèveraient ce jour-là, songea-t-elle avec angoisse avant de redoubler ses appels. C'était désespéré. Nul n'entendrait son appel. Alors elle poursuivi, plus fort.

Enfer aquatique, déferlement colérique des divinités des profondeurs, la mer ne laissa aucune chance au forgeron qui tentait désespérément de rejoindre son fils. Il fallait également ajouter à l’équation le Kraken, fléau d’Aegir. La bête monstrueuse décida finalement qu’il était temps pour elle de se joindre à la fête. Dans un élan de joie, elle fracassa navire viking et souleva de puissantes vagues. Tentant de avec peine de demeurer à la surface des flots, Ingmar en fut incapable, s’enfonça sous une énorme vague. Lorsque sa tête pointa hors de l’eau, il avait perdu son fils de vue.

La rage s’empara de l’homme, maudissant la perde de sa progéniture, puis un éclair étrange fracassa le ciel avant d’atteindre l’un des navires situés plus loin. Asgard envoyait des renforts aux hommes, une fois de plus. Rapidement, le navire se mit en route, s’approchant du langskip du Jarl. Plusieurs cordes furent lancées à la mer afin d’en repêcher les naufragés. À bout de souffle, épuisé, l’homme à la barbe imposante eut la joie de voir son fils repêcher grâce à ces cordes. Il aperçut le dieu sur le pont, Tyr. Sa divinité avait une fois de plus répondu à son appel et si son fils était hors des flots c’était grâce à son intervention.

Tout devint sombre, il sombra dans les profondeurs aqueuses. C’est donc ainsi qu’il allait périr, emporter par la mer? Entre la vie et la mort, il aperçut nombre de visages qu’il aimait. Sa femme, ses filles, ses concubines, son fils… Tyr lui apparut également, tendant sa main en sa direction. L’image s’estompa et fût remplacé par l’image floue d’une femme, il lui semblait déjà l’avoir aperçu dans l’une des tavernes de Tromsø ainsi que sur les champs de bataille. Était-ce une Valkyrie qui l’emportait au Valhalla? On lui offrait cette gloire sans qu’il soit tombé glorieusement au combat? Il se sentit soulever.

Une puissante toux fit sortir l’eau salée contenue dans son corps. Comment était-ce possible? Il avait retrouvé sa place sur le navire du Jarl. Secouer, il tenta de reprendre ses esprits. Qui était cette femme qu’il avait aperçue? Les divinités marines avaient-elles entendu son appel? Encore sous le choc, il se releva, son regard se posant sur le navire de Tyr qui approchait, puis sur la bête. Un jeune guerrier s’approcha de lui les mains chargées de son équipement.

« Aegir soit béni Ingmar, il t’a ramené à bord. Voilà ton équipement, nous l’avions mis en sûreté lors de ton plongeon. »

Le forgeron remercia le jeune guerrier qui se trouvait sous sa tutelle, s’empressant de revêtir son armure. Si la bête désirait s’opposer aux hommes, il lui offrirait ce qu’elle mérite, peu importe si elle prenait sa vie. Son heaume en place, il s’empara de son bouclier et de sa lance et regagna la petite troupe d’hommes qu’il dirigeait. Certains d’entre eux avaient également connu l’enfer de la mer, mais comme lui ils avaient été ramenés à bord par les vagues. Le guerrier roux s’adressa à la famille qui régissait cette puissante furie aquatique.

« Entendez-moi divinités de la mer, car j’ai une dette envers vous pour m’avoir épargner la vie ainsi que celle de mes guerriers. » Il n’inclut pas son fils dans cette prière, sachant que c’était Tyr qui l’avait secouru. « Si je survis à ce jour, vous aurez droit au respect qui vous es dû. »

Pour un fidèle, fanatique, de Tyr, de telles paroles signifiaient beaucoup et la famille de la mer pouvait s’attendre à quelques sacrifices en leur honneur. Ingmar, en bon capitaine, dirigea son regard vers le Jarl, ses hommes étant prêts à toute éventualité. La mer encore agitée causait certes bien des soucis aux Vikings, mais si la bête souhaitait un affrontement, elle aurait droit au fer des lances.

Sur le pont du navire, accrochés à une corde, nous sommes quelques-uns à essayer, sans grand succès pour l'instant, d'arracher Ingmar et son fils des mâchoires écumantes des rouleaux. Je veux croire que ce geste de courage insensé, ce sacrifice ne sera pas vain, j'y mets toutes mes faibles forces à tirer cette corde. Et soudain c'est le trou noir, le froid intense, l'eau qui s'infiltre dans le moindre interstice y compris dans mon nez, ma bouche. Je suffoque, lorsqu'une main agrippée à la mienne me ramène à la surface mouvante de l'onde. Ballottés par les flots sombres comme les ténèbres qui nous submergent et nous recrachent comme de vulgaires poissons, Thorolf et moi tentons d'atteindre l'une des poutres brisées qui flottent autour de nous. Mais une nouvelle vague nous catapulte loin du langskip, m'empêchant d'entendre ce que me dit mon compagnon, mais je m'accroche à lui, et nous parvenons à dériver jusqu'à l'un des vestiges de notre flottille décimée par le Kraken.

Le Fléau d'Aegir, de ses puissants tentacules, balaie les bateaux à sa portée, les réduit en miettes dispersant les pauvres hommes et femmes dans la houle qui menace de les engloutir à jamais. Certains parviennent comme nous à agripper une épave, d'autres se débattent et tentent de surnager dans la mer démontée. Combien d'entre eux survivront ? Quels Dieux s'acharnent-ils ainsi sur notre village ? Complètement gelée, je m'accroche désespérément à Thorolf et à ce bout de bois providentiel qui nous maintient hors de l'eau. Notre navire est toujours entier, mais trop loin pour que nous puissions l'atteindre. Par chance, nous nous sommes à l'abri de la colère du monstre qui poursuit son œuvre de destruction, semant le chaos sur son passage dans des maelstroms bouillonnants d'écume.

Soudain je sursaute violemment lorsqu'un éclair inouï déchire la noirceur du ciel. Son fracas résonne jusqu'aux tréfonds de mon être, malgré la distance qui nous sépare. Incrédule, je le vois frapper le Þórgísl qui résiste miraculeusement à l'impact, un flot d'hommes venus des cieux l'envahissent et tentent à l'aide de cordes de mettre en sûreté les naufragés à leur portée. Auraient-ils entendu nos ferventes prières ? Les miennes ne franchissent plus mes lèvres bleuies de froid, mais j'espère qu'elles arriveront tout de même aux oreilles des Dieux.

Je suis épuisée, mais je continue désespérément à battre des pieds pour que nous nous rapprochions de notre embarcation. Vaguement nous distinguons, au loin, les sauveteurs qui hissent les naufragés grâce à ces cordes miraculeuses. Nous verront-ils ? Viendront-ils à notre secours ? Autour de nous les vagues s'agitent, mais ne semblent plus vouloir nous avaler. Les Dieux des mers auraient-ils perçu l'urgence de notre supplique ? Les flots ondulent autour de nous, leurs crinières d'écume semblent nous pousser vers le bateau du Jarl, notre bateau. Dans l'eau, je crois discerner un visage flou et de longs cheveux blonds qui flottent comme une bannière salvatrice, qui nous enlace comme les bras d'un amant. Nous sommes miraculeusement propulsés sur le pont du langskip, malgré la distance qui nous en séparait encore. L'atterrissage est un peu rude, mais comme il est doux de sentir le bois du pont nous meurtrir l'échine ! Je regarde Thorolf, éberluée :

- Dis-moi … dis-moi que toi voir aussi, Thorolf ! La femme … aux longs cheveux blonds … m'écrié-je, essoufflée, en le serrant fort dans mes bras. Puis sans attendre la réponse de mon compagnon, je me lève et me précipite à la poupe du Þórgísl, pour crier à la mer :
- Merci, à toi ! Merci d'avoir sauvé nous, fille de océan ! Je suis … je suis redevable toujours, déesse de mer …
Je suis frigorifiée, épuisée, mais en vie ! Enroulée dans une maigre couverture avec une sensation de déjà-vu, je fais le tour des visages présents cherchant qui manque encore à l'appel ...

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LE VOYAGE

▽ It’s time to pray the gods.

Il avait la tête baissée, perdait son temps à observer les lignes imparfaites du bois que constituait le bateau. De fait, il pouvait également cacher l’immense sourire qui éclairait ses traits. On ne voyait pas souvent sourire le Bourreau, si ce n’était lorsqu’il était en plein combat. Les gens du village auraient sans doute espéré le voir aussi content lorsqu’il exécutait les criminels et les faibles, mais il n’y prenait pas autant plaisir. Le fils d’Olav se rappelait exactement de la dernière fois où il avait eu la chance d’accompagner les guerriers pour un Raid. Avant ses dix-neuf ans, la fois où il avait été d’une aide stratégique incomparable qui avait fait gagner une bataille décisive à son cousin. On lui avait interdit d’intervenir par la suite puisqu’il avait des occupations « plus importantes ». Cette fois-ci, il avait demandé à Hagen d’accompagner les autres dans ce raid exceptionnel. Ils avaient besoin de bon combattant et ce fut sans doute pour cette raison qu’il put les suivre. Il finit par remonter les yeux, en effaçant tout sourire de son visage. Il rencontra un peu plus loin les prunelles de Brynja. Elle n’était pas à sa place, pas ici alors qu’ils risqueraient leur vie chaque minute. Le navire ballota de plus en plus, Mads fronça les sourcils en sentant que quelque chose n’allait pas. « Kraken... KRAKEN DROIT DEVANT !! » Il sauta aussitôt sur ses pieds, en sortant sa hache. Alerte, il observa avec effroi l’immense créature passer près de la flotte provoquant de nombreux cris. On aurait dit que tous les Dieux avaient décidé que leur voyage ne durerait pas longtemps. Il se mit aussitôt à prier le Dieu Aegir, lui qui devait contenir cette bête.

Le monstre était sans merci, abattant ses immondes tentacules sur les bateaux et faisant couler par le fait même les pauvres mortels. Il cherchait son cousin, attendant ses ordres sans le trouver. Paniquant, il n’eut pas le temps de s’en faire davantage qu’une des tentacules du Kraken s’abattit sur le navire. Il fut l’un des « heureux » vikings à rester sur le pont du bateau, il put observer par le fait même le corps de nombreux de ses amis virevolter jusqu’à la mer. Entre temps, une apparence divine fit son entrée, tentant de sauver les naufragés en leur faisant apparaître une flopée de corde. Il n’en croyait pas ses yeux, il venait de rencontrer un autre Dieu. Pour Mads, peu importe de qui il s’agissait, ces Dieux méritaient tous le respect et il se sentait choyé lorsqu’il avait la chance d’en rencontrer un. Le seul qu’il avait vu avant cela était Loki, celui qui recevait sans aucun doute les plus grandes faveurs de la part du Bourreau. « Hagen! » Hurla-t-il, à la recherche du Jarl. Ils avaient une relation parsemée de jalousie, mais la famille était aux yeux de Mads ce qui importait le plus. Le pouvoir qui lui avait enlevé ne l’empêchait pas d’apprécier cet homme qui se battait sans cesse pour la survie de Tromsø. Il crut que tout était perdu pour les âmes à l’eau, les Dieux étaient réellement en colère pour empêcher les Vikings qui les priaient sans cesse. « Je vous en prie, Aegir, Rán, les neuf vagues, venez-nous en aide ! » Conjura-t-il. Comme si ses prières étaient exaucées, un grand remous se produit et les vagues ramenèrent les corps des naufragés à bord. Il se rua vers Brynja, serrant doucement l’un de ses poignets. « Est-ce que ça va?! » Il l’observa sous toutes les coutures tentant de voir si elle était blessée. Il finit par relever la tête vers les mers pour murmurer un : « Merci… Je vous en serai à jamais reconnaissant… » Il reconcentra ensuite son attention vers la marchande, attendant une réaction quelconque…

(c) AMIANTE

La mer, décidément, a choisi de se montrer généreuse en facéties de toutes natures au détriment des malheureux mortels sillonnant ses eaux gris perle. Il y en a pour tous les goûts. Après cet abominable Kraken et ses tentacules gigantesques qu'il tient absolument à nous passer autour du cou, après ces guerriers dégringolant du ciel pour tendre une main secourable aux premières victimes de la frénésie du monstre, après ce rideau de déferlantes, cette avalanche d'écume blanche affolant chacun d'entre nous et nous précipitant gaiement dans les remous, voilà que les éléments déchaînés nous présentent leur dernier caprice. Ils nous soulèvent à nouveau, jouent un instant avec nos frêles carcasses puis nous catapultent avec une rare précision sur le pont de notre drakkar. Un retour spectaculaire à la case départ, en quelque sorte. Nous y atterrissons brutalement, dans un méli-mélo de bras, de jambes, d'algues marines, de cris et de débris hétéroclites arrachés aux bateaux de la flottille.

Le choc est rude, certes, et l'incompréhension est totale, mais il serait plutôt inconvenant de nous plaindre. Nous sommes saufs, désormais, à moins que la mer ne nous réserve encore quelques plaisanteries d'un goût douteux. Mon premier réflexe, après m'être tâté le bas du dos qui a un brin amorti ma chute, est de vérifier que ma compagne a bénéficié de ce même moyen de transport inattendu. Elle est là, à deux pas de moi, petit lutin transi à la chevelure ruisselante. J'imagine ce qu'elle ressent. J'imagine les interrogations qui affluent dans son esprit toujours en éveil. La pauvrette ne doit pas comprendre ce qui lui arrive. Moi-même, bercé pourtant durant toute mon enfance par les légendes et les récits des anciens, je suis totalement médusé, totalement déconcerté. Alors, pour elle, les événements présents doivent représenter l'apogée du mystère.

Et d'ailleurs, que fait-elle ? La voici qui quitte précipitamment l'étreinte protectrice de mes bras pour se ruer vers la poupe du Þórgísl. Les mots qu'elle me jette me laissent pantois. Une femme aux longs cheveux blonds ? Qu'est-ce qu'elle entend par là ? Et ma compagne s'accroche fermement à un tronçon intact du bastingage pour remercier cette blonde déesse qui n'est, à mon sens, que le fruit de son imagination, largement mise à contribution par notre incompréhensible aventure. Je la rejoins à nouveau, enveloppe de la couverture ses épaules dégoulinantes, et la réchauffe contre mon torse. Elle est d'une indécrottable imprudence, ma langoustine. Elle n'a pas encore assimilé que notre peuple affronte quotidiennement moult dangers. Sans nul doute coulait-elle des jours plus tranquilles dans sa patrie de naissance. Dans cette île vers laquelle nous voguons et où nous accosterons si la mer ne nous engloutit pas ou si le Kraken ne réduit pas en mille miettes notre coque qui a déjà bien souffert. C'est pour toutes ces raisons que je ne la réprimande pas. Demain, ou dans une heure, nous serons peut-être morts, il est inutile dès lors de heurter sa sensibilité par de vains reproches.
- Viens, reculons un peu, ma chérie. C'est sans doute une intervention divine qui nous a sauvés de la noyade, mais la mer n'est pas totalement calmée. En restant ici nous pourrions être à nouveau emportés. Viens vite, te dis-je.

J'insiste donc et je l'emmène près du mât, estimant que notre sécurité y sera plus assurée. Autour de nous, d'autres silhouettes grelottantes se regroupent lentement. Sommes-nous tous provisoirement sains et saufs ? Je l'ignore. Nous ne sommes plus que des épaves humaines, tremblantes, glacées, livides, épuisées. Toutes pareilles. S'il manque quelqu'un à bord, je suis incapable de m'en rendre compte. Je suis las, infiniment las. Non loin de moi, Ingmar prie. Il a récupéré son fils et rend hommage à nos dieux. Brynja aussi est présente, réconfortée par le Bourreau, cousin du Jarl. Ce-dernier est là également, entouré de quelques hommes, sans doute ceux qui ont évité le bain forcé, mais seront-ils capables de maintenir le cap ? Cette mer immense sera t-elle notre linceul ou bien nous portera t-elle vers nos conquêtes ? Que faire, sinon garder l'espoir ...

Lorsque Tyr était venu m’annoncer qu’il y avait des soucis sur Midgard, que le fléau d’Aegir voguait librement, menaçant la flotte viking partie en raid, mon visage s’illumina. Pour tout avoué, j’aurais bien aimé prendre part au raid de cette année, Knut, mon alter ego sur leur monde, pouvant facilement s’insérer dans les troupes du Jarl, vu ma proximité avec celui-ci. Malheureusement, des évènements beaucoup plus préoccupants m’avaient retenu sur Asgard. Les conflits créer avec le retour de Jörd et la trahison de Freya avaient fait en sorte que le pont arc-en-ciel était clos, sauf avis contraire. J’avais donc dû contenir ma déception de manquer les raids, la protection du royaume et mon service auprès de Tyr étant de toute façon bien plus importants.

C’est donc pour cette raison que l’expédition de sauvetage organisé par le dieu de la guerre me ravit. Comme les Einherjars, j’attendais en silence d’être transporté jusqu’au royaume des hommes, Tyr préférant attendre l’attaque avant de descendre au secours des mortels. Cette sensation particulière que l’on ressent lorsque le bifröst nous happe ne tarda pas à se faire ressentir, l’immense poulpe attaquant les navires de ces braves vikings. J’aurais pu me demander pourquoi Aegir avait-il libéré sa bête, était-ce un signe de son appui à Jörd, une diversion afin de nous faire quitter Asgard, afin d’ouvrir le pont arc-en-ciel un bref moment, mais ces réflexions était bien loin de mon esprit, songeant seulement au fait que je retournais sur Midgard. Tyr jugerait lui-même de la situation et il aurait mon appui, peu importe ses choix.

L’éclair qui déchira le ciel nous propulsa sur un des navires. Reprenant mes sens un bref moment, la situation désastreuse où se trouvaient les hommes nous frappa de plein fouet. Les ordres furent rapides et nombre des Einherjars se jetèrent à l’eau pour sauver les hommes et les femmes se retrouvant à la mer. Plusieurs cordes furent également lancées tandis que Tyr prenait le commandement du navire, poussant les Vikings à ramer en compagnie de nos propres guerriers. Notre embarcation vogua rapidement en direction de celle du Jarl. C’est à ce moment que j’aperçus une jeune femme à la mer. Son visage ne m’était pas inconnu, il s’agissait de la guérisseuse dont Tyr s’était fait protecteur. Sans hésiter, je me retrouve à l’eau, nageant vers elle afin de lui prêter secours, mon frère d’armes étant bien trop occupé à diriger les opérations pour respecter sa promesse faite à la dame.

Je venais à peine de l’atteindre, lorsque les vagues se mirent en œuvre, une force dirigée, qui ne m’était pas étrangère. Ainsi soulevés, les Vikings rejoignirent leurs embarcations, portées par les flots. Il en fut de même pour moi, tenant fermement la jeune guérisseuse dans mes bras. L’atterrissage fut bien plus doux pour elle et pour moi que pour plusieurs braves, mes pouvoirs me permettant même de terminer ce petit voyage debout. Déposant la jeune femme au sol, je me retourne vers la mer tumultueuse. Me retrouver sur le navire du Jarl allait peut-être causer quelques soucis à ma couverture, comment expliquer que Knut s’était joint à l’expédition sans en parler à ce dernier. Je ne peux néanmoins que remercier les filles d’Aegir et Ràn pour leur miraculeux sauvetage, car je sais parfaitement qu’il s’agissait de l’œuvre des vagues ayant une petite pensée pour Hefring. Me penchant au-dessus de la guérisseuse je m’assure qu’elle se porte bien.

« Les dieux soit loués, je vous ai trouvé avant que vous ne soyez submergé par les flots. » Autant jouer mon rôle jusqu’au bout, même si je sais pertinemment que les divinités marines auraient sauvé la jeune femme. « Knut, pour vous servir. J’étais sur un navire voisin lorsque je vous ai aperçu à l’eau. Mieux vaut ne pas rester là, la mer est encore bien agitée et la bête pourrait encore attaquer.»

J’aide alors la protégée de Tyr à s’éloigner du bord du navire, jetant un rapide coup d’œil au navire du dieu de la guerre et de la justice qui s’approche maintenant rapidement du nôtre. Le Jarl ne semble pas encore m’avoir aperçu, le chaos environnant aidant encore à maintenir ma couverture. Je reconnais quelques visages, souriant de voir tous ces braves vikings affronter la mer et ses dangers pour aller piller les terres à l’ouest. Une fois la jeune femme en sûreté, je regagne rapidement le bord du navire, si Tyr agit à l’encontre de la bête, je dois me tenir prêt à en faire de même.

- Pantoufle versus the world -

De chair et d'eau, il s'élevait des fonds marins pour venir chercher à la surface quelque pauvre âme qui s'était aventuré trop loin de la rive. Ses tentacules semblaient sans fin et sa force ne connaissait aucune limite. Qu'est-ce qu'une épée face à la mer? Il n'y avait rien à faire, sauf peut-être offrir une dernière imploration aux Dieux pour qu'ils nous protègent de ce mal sournois. Combien de temps avant notre dernier souffle?

La rive était calme alors qu'au loin, on voyait tout un monde s'agiter. C'était avec une joie non feinte que leur père observait passivement cette scène, ravi de voir qu'elles avaient retenu l'essentiel de ses leçons et qu'en temps voulu, elles savaient gérer l'élément familial. Sur une trame sonore de prières et de plaintes, la douce danse des vagues faisait valser au rythme de leurs mains les pauvres mortels effrayés alors que la tempête de son épouse rendait le tout des plus dramatiques. Nul ne pouvait dorénavant douter de l'intervention divine en cette heure si grave. Les nornes avaient été clémentes, les laissant rattraper les erreurs de leur animal domestique disproportionné qu'aucune vague ni tempête ne pouvait contrôler. Il n'y avait que son maître pour lui ordonner de regagner les fonds marins et de se tenir loin de ces vikings en quête d'aventure. Si l'excitation bouillonnait dans le sang des guerriers avant cette rencontre tragique, c'était maintenant la peur qui les faisait frémir et louanger la famille des mers. Les marins avaient presque tous regagné leur navire, s'accrochant désormais à ces bouts de bois qui ne leur serviraient à rien face à la toute puissance de ce poulpe titanesque et c'était donc au tour d'Aegir de s'allier aux flots encore une fois pour mener à terme cette altercation amicale avec le kraken.

« Veillez bien à ce que les marins restent sur leurs embarcations et n'hésitez pas à user de vos vagues si jamais Pantoufle se décide à en attirer à nouveau à l'eau. Oui Ràn, tu as bien raison, ce mauvais tour à bien assez duré. »

Sur ces mots, le Roi des mers débuta sa longue marche en direction du champ de bataille. Sous ses pas, les eaux jaillissaient vivement, formant, au détour de quelques vagues, des formes aux allures aquatiques. Ce flot d'eau salée prenait parfois l'apparence d'un hippocampe qui se mouvait aux côtés de son maître et, d'autres fois, s'animait vivement de jets tentaculaires que le kraken avait très certainement inspirés. En cet instant, la divinité et son élément s'étaient alliés et ne formaient plus qu'un. Le mouvement fluide et rapide des courants avait accéléré grandement le transport du Dieu qui se trouvait déjà près de son fils adoptif. Les tourbillons qu'Aegir avait déclenchés avant l'intervention de ses filles continuaient de secouer la mer, animant vigoureusement la rocaille et le sol sous l'infinité d'eau qui masquait ce spectacle grandiose.

Le Dieu se posta tout près d'une embarcation qui se dirigeait vers la tête du peloton. Les menaces du Dieu de la justice irritaient gravement le Roi qui n'acceptait guère que l'on s'en prenne aux siens sur son territoire. L'eau salée de Midgard était sienne, malgré toute autre prétention. Il y règnait en maître et aucun être vivant, ase ou midgradien, ne pourrait emprunter les voies navigables avec de tels propos sans en subir les conséquences directes. Et c'est pourtant avec son calme froid caractéristique qu'il s'adressa au Prince, préférant préserver les relations diplomatiques divines. Ce n'était point l'heure de déclencher une guerre avec Odin alors même que les autres royaumes s'y affairaient déjà.

« Nul besoin de menacer la mer, fils d'Odin. Elle a toujours su se plier à la volonté du Père de tout grâce aux bons soins de ma famille. J'ai bien peur de vous décevoir toutefois, car votre acier ne vous sera d'aucune utilité face à cette splendeur des mers. » Le regard d'Aegir ne se porta que très brièvement sur le Prince, préférant la vue des siens à celle des justiciers barbares venus de là-haut. Les tentacules de Pantoufles se mouvaient encore sous une couche d'eau qui se soulevait au rythme de ses mouvements erratiques. « Ta fugue a assez duré, mon cher fléau. Laisse donc les voyageurs voguer tranquillement sur les eaux de ta famille. »

Les pieds ancrés dans les flots et les mains élevées vers les cieux, le magicien y allait d'incantations runiques et de mouvements gracieux. Devant des yeux mortels, il se devait d'offrir un quelconque spectacle qui alimenterait les histoires que l'on raconterait lors du retour en Norvège. Les prières qui fusaient encore de partout flattaient l’ego de ce dieu en plein travail, les murmures feutrés de remerciements berçant son être. Le kraken n'avait pas droit au même traitement de faveur, lui que les torrents maltraitaient déjà en l'attirant vigoureusement vers le palais de ses maîtres. Les tourbillons avaient trouvé leur chemin jusqu'au corps massif de l'animal et tournoyaient maintenant autour des ses longs tentacules, serrant de toute part la créature assoiffée de liberté. En surface, l'agitation diminuait peu à peu alors que la bête était engloutie par une masse d'eau qui recouvrait rapidement son corps pris au piège de ces cordes d'eau, ces longs courants qui tenaient fermement ses membres. Et en quelques instants, le kraken n'était plus qu'un mauvais souvenir pour les marins midgardiens. Sous la surface, le poulpe gigantesque continuait sa descente qui n'aurait de fin que lorsqu'il serait acculé aux tréfonds de la mer.

Le corps d'Aegir fit volte-face en direction du drakkar du Odinson, toujours en mouvement. S'adressant à lui, il lança sur un ton détaché : « Je vous remercierai de bien vouloir offrir à votre illustre père les humbles salutations de la mer de Midgard. » Puis, se détournant de Tyr, il s'adressa aux quelques âmes trempées et effrayées qui avaient assisté à toute cette scène et leur offrit une promesse qu'il comptait bien tenir, quoi qu'il en coûte. « Sachez que les dieux de la mer vous offre leur bénédiction pour votre périple et qu'aucun mal ne pourra être fait à ceux qui auront prouvé leur dévotion aux flots et aux vagues. » Et il repartit aussi vite qu'il était venu, mais cette fois-ci, il ne regagna pas la rive auprès des femmes de sa vie. Il préféra disparaître doucement sous l'eau, rejoignant ainsi sa prise du jour. Sa tâche ne faisait que commencer : Pantoufle n'était pas encore dans sa cage et le libérateur courrait toujours. N'y avait-il donc pas de repos pour les vieux dieux d'Yggdrasil ?

**ϟ INSCRIPTION** : 20/11/2013

LES RAIDS

première partie : le voyage (rp commun)

Sans l'intervention d'Aegir, Ràn et leurs filles, il y a fort à parier que le kraken aurait fait un festin des vikings naufragés, et peut-être même du fils d'Odin venu leur porter secours. Dieux, mortels... Pour la créature, aucune différence. Pour le Fléau, il n'y avait que la faim et la soif de liberté. Et non seulement il ne put combler la première, mais la seconde lui est arrachée à peine retrouvée. La créature ne peut lutter contre les enchantements de son maître, pour cette fois-ci, elle a perdu la partie... Peu importe, se rassure-t-elle. Le Libérateur reviendra, il l'a promis. Et la prochaine fois, le fils de Loki sera à ses côtés et nul ne pourra les arrêter. Son heure viendra, et son avènement sonnera le glas de celui des hommes et de leur engeance mortelle.

Il faut un certain temps pour que les flots ne se calment totalement, et un long moment pour que les mortels secoués et trempés ne puissent retrouver leurs esprit. Ils sont nombreux à tomber à genoux et à adresser des prières aux divinités marines pour remercier leur miséricorde - et le grand Aegir l'a dit lui-même, ceux qui prouveront leur dévotion n'auront pas à craindre la fureur de la mer. Les hommes et femmes de Tromsø s'interrogent ; sont-ils bénis ou maudits ? Ce n'est pas la première fois que leur route croise celles des divins, ce n'est pas la première fois que ceux-ci leur viennent en aide. Tromsø et ses habitants ont-ils été choisis par les dieux dans un quelconque but, ou les Ases protègent-ils tous les mortels avec la même application ? Nulle réponse ne viendra aux hommes lors de cette périlleuse traversée.

Les embarcations sont presque immobiles à présent que la bête s'en est allée, doucement bercées par les flots. Et puis, le Jarl aboie quelques ordres à ses hommes, qui obéissent immédiatement malgré leurs regards hagards et leurs gestes lents. Bien vite, le Þórgísl vogue en tête de la petite flotte viking. L'épreuve ne sera pas oubliée de si tôt par quiconque, mais Hagen et les siens ne peuvent se permettre d'oublier leur objectif premier, voguer vers les terres éloignées au Sud et revenir les bras chargés de richesses. L'avenir du village, qui ne cesse de s'appauvrir depuis les attaques des jötuns, en dépend...

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