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a tension est palpable entre les murs opalins de la cité de Vanaheim où a lieu le conciliabule d’avant-guerre. La plupart des protagonistes se regardent d’ailleurs de biais, l’inimitié entre le roi des Elfes de Lumière et les Vanes n’étant méconnue de personne. Etrangement, Jörd se sent redevable envers le souverain d’Alfheim qui doit supporter la détention forcée de son fils dans le royaume d’Asgard, et elle peine à distiller un tant soit peu de pacifisme au sein de cet aparté. Elyas ne goûte guère à la sincérité de l’implication vane dans la guerre qui concerne la Terre contre le Père de Tout et Jörd sait pertinemment qu’il n’a pas tort. Frey a toujours désiré l’indépendance pour son peuple, et c’est un motif comme un autre pour livrer bataille contre Odin qui a la main mise sur la souveraineté d’Yggdrasil. Les Elfes Noirs, eux aussi, cherchent à faire entendre le chaos pour ébranler celui qui a cru retenir sous son joug toutes races confondues. Mais elle doit se résoudre à l’évidence - même si elle sait que peu se contrefiche de son sort et de l’ignominie commise, ils sont ses meilleurs alliés pour déchoir le Père de Toute Chose et rien n’est négligeable car beaucoup disent que ce n’est que pure folie que de se dresser contre le souverain incontesté des royaumes. Si Frey s’est porté sensible à la cause maternelle, cela ne semble pas être le cas de sa jumelle qui oblique des regards de glace dans la direction de la Terre. Imperturbable, les lèvres closes en détaillant d’un regard observateur les différentes mimiques d’agacement qui font frémir les visages, la belle attend que Freyja et son frère trouvent sur quoi s’entendre. Lorsqu’un garde fait son entrée pour porter une missive au roi Elyas, la déesse trahit un éclat de surprise et concentre son attention nuancée d’appréhension sur le souverain d’Alfheim. Depuis qu’elle a eu vent de l’orage menaçant qui a encensé Asgard, beaucoup d’espoir et de questions ne cessent de la faire tergiverser. Elle se rappelle de la lueur de lucidité terrifiée qu’elle a lu dans les prunelles de son fils et de sa fuite de Svartalfheim sans le moindre mot ni la moindre provocation. Elle a vu Thor épris du doute, pour la première fois libéré du joug paternel entravant sa raison. Le voilà le sentier de sa victoire - le glas de la vérité, dans la conscience même de la puissance de celui pour qui il se bat bec et ongles. Jörd ignore si le Dieu du Tonnerre s’est contraint une fois de plus à porter des œillères mais ce qu’elle sait, c’est que l’orage a grondé. Et la colère a frappé la cité éternelle.
Tout en offrant une œillade concentrée au souverain d’Alfheim, Jörd sent quelques tremblements imperceptibles trahir sa gestuelle. Elle se saisit de la missive tendue par le roi des Elfes et défroisse machinalement le papier contre ses cuisses, attardant ses billes sur les écrits qui tendent à lui ôter tout doute. Thor a quitté Asgard avec son épouse, le jour même où le ciel a craché son mécontentement. L’émotion saboule sa poitrine dans une inspiration chaotique. Elle replie vaguement ses phalanges contre sa bouche, laissant Elyas et Freyja se confronter avec venimosité. Goûtant avec fébrilité à l’annonce d’une première victoire dans sa lutte pour la vérité, Jörd ferme les paupières et étire un long silence avant d’en revenir aux deux protagonistes qui se confrontent. « Je vous en prie, sire Elyas, lady Freyja... Pour avoir la moindre chance de vaincre l’armée d’Odin, nous devrions mettre de côté les griefs. Et qu’importe les divers intérêts que chacun de nous en retirons. Nous devons nous unir pour l’arracher à son trône... » Une lueur sibylline anime les prunelles de la Terre qui plie soigneusement le papier. « Comprenez le vous ? Il n’y a plus d’amnistie possible. Le Père de Tout m’a exilé pour pouvoir convenir de mon fils à sa guise. Il ne pardonnera guère aux Elfes de Lumière de s’être alliés avec moi. Et il ne vous pardonnera probablement pas d’avoir voulu retourner les valkyries contre lui. » Jörd croise le regard de Freyja, elle qui boit son vin dans une mimique agacée. « Thor était son pilier et Thor a dorénavant déchanté. Odin est vulnérable, malgré toute son armée et ses effectifs. Nous devons attaquer, maintenant. » Lèvres pincées, la Terre attarde ses calots dans ceux de ses comparses, espérant entrapercevoir l’étincelle d’un accord tacite.

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örd confronte sans mal son flègme doucereux à l’acide froideur de Freyja qui ne veut en démordre, campée sur la défensive. La Terre ne peut lui en vouloir car elle distingue la détresse dans les propos amers de sa vis-à-vis - elle entrevoit l’image de cette déesse perdue entre deux flots, mûrement attachée à ses valkyries qui ne sont plus que nuée chaotique. Lorsque la déesse de l’amour formule son entreprise, précisant bien de ce fait ne pas vouloir porter les étendards de la Terre, cette dernière hoche la tête avec respect. « Je comprends tout à fait. Vous ne voulez pas vous battre sous mon égide et je ne demande guère à m’arroger vos forces. Je l’entends bien lady Freyja, et je n’espère pas vous faire changer d’avis sur ce point. Il est question d’autre chose. » Même si d’une œillade suspecte, Jörd détaille le faciès de l’indocile - cette battante qui pourrait certainement tout donner pour son jumeau. Croit-elle seulement en les faits qui sont reprochés à Odin ? Qu’elle, la Terre, a été abusée par le Père de Tout. Qu’il lui a volé son enfant et lui a volé sa vie ? Lèvres closes, Jörd boit les paroles de son interlocutrice tout en essayant de discerner une réponse à sa question puis elle se fend d’un sourire à l’entente de la remarque de celle-ci. Protégé ce qui peut encore l’être. Au final, ne sont-elles pas deux mères qui montrent les crocs pour protéger leurs petits ? Même si la déesse de la Terre s’attendait à plus de considération de la part de Freyja, elle ne peut pas lui en vouloir de se montrer prudente - et jamais ne pourra-t-elle rivaliser avec Frey qui possède la loyauté de sa sœur. Elyas reprend la parole pour énoncer l’évidence - si les armées attaquent Odin désunies, alors tout cela est vain. Jörd croise le regard sibyllin du souverain elfique et le gratifie d’un sentiment de reconnaissance. Elle s’en veut terriblement d’être responsable de l’incarcération d’Elorin entre les murs d’Asgard. Sa prétention à vouloir récupérer son fils lui a coûté la captivité de celui de son ami et allié. Pour rien au monde elle n’aurait désiré ça. Même si Elyas sait arborer tel détachement, la Terre sait à quel point il est rongé par l’inquiétude. Redressant légèrement l’échine contre son siège, Jörd biaise un regard vers Frey qui daigne finalement prendre la parole pour porter son avis à l’attention de ses comparses. Rassurée de voir que ce dernier est prêt à les suivre dans cette guerre, Mère Nature tâche de rester impavide pour ne pas laisser entrevoir quelconque faiblesse. La petite plaisanterie du souverain de Vanaheim arrache un sursaut d’impatience à l’elfe mais Jörd se contente d’esquisser un mince sourire en écoutant la suite des propos. La précision de Frey quant à la disponibilité de ses armées arrache un sourcillement à la belle. « C’est entendu. Je ne suis la souveraine de rien. Seulement une mère qui cherche à faire entendre la vérité. » Elle ne supporterait pas que l’on puisse croire qu’elle désire prendre le pouvoir de quoi que ce soit. Elle n’est pas une ambitieuse, encore moins amoureuse du pouvoir. Elle ne veut que son fils. Son fils et la vérité divulguée. Jörd attarde son regard dans les calots de ses alliés avant d’affirmer. « La prudence est de mise. Beaucoup pourraient profiter du mouvement des armées pour s’en prendre à vos mondes respectifs, les imaginant vulnérables. Vous ne pouvez risquer cela, et je le comprends tout à fait. » Jörd sent l’émotion lui nouer la gorge. Son fils ainsi parti d’Asgard, Odin face à ses erreurs et elle et ses alliés sur le point de le faire choir de son trône - jamais elle n’aurait cru ça possible. Lorsqu’elle repense à toute la souffrance qui n’a cessé de meurtrir ses affects, son désir de vengeance coudoie la félicité de pouvoir nourrir ses espérances. La considération particulière et l’implication du roi Elyas l’émeut plus particulièrement - lui qui a tout risqué pour se battre véritablement pour que Jörd puisse faire entendre la vérité. La Terre presse les accoudoirs de son siège, son souffle se perdant aux bords de ses lèvres. « Odin sera mis face à ses torts, et il n’aura pas d’autre choix que d’abdiquer... Grâce à vous. » Parce que Jörd n’est pas prête d’oublier que sans eux, ses alliés, elle ne serait rien. Frey interroge dés lors sa sœur pour savoir si elle sera des leurs mais la Terre se doute bien de sa réponse en distinguant l’éclat miroitant de ses prunelles cristallines. Freyja donnerait tout à son frère - sûrement l’ignore-t-il ?