In the eye of the storm

ODIN BORSON - VILI BORSON

Les souvenirs du Bifrost revinrent au vieux Dieu qui n'avait pas voyagé par cet intermédiaire depuis pas mal de temps. Vili avait, lorsque la nouvelle de l’abdication d'Odin s'était répandue, commencé à penser à d'autres manières de se rendre à Asgard. Il aurait éventuellement pu ruser, mais ça aurait certainement été très long et très couteaux pour, finalement, assez peu d'espoirs de réussite. Finalement, il voulut tout tabler sur la sincérité. Il s'était présenté au Bifrost et avait parlé avec Heimdall qui avait semble-t-il perdu toute confiance en Odin et avait laissé passer sa vieille connaissance sans poser aucune résistance. C'était peut-être le jour de chance du vieux barbu... Ou était-ce là trop facile ? En tout cas, il était sûr et certain que les conversations qui allaient arriver suite à son retour à Asgard seraient tout sauf faciles. Après tout, une petite partie des souffrances qu'avaient connues les hommes et les Dieux avaient été en partie causé par lui. Bien entendu, il pouvait très bien tenir ça secret, mais il ne suffirait pas de beaucoup d'effort pour comprendre qu'une personne puissante avait libéré le Kraken, par exemple. De plus, une personne aussi maligne qu'Odin devait bien se douter que son frère ne resterait pas simplement comme ça, sans rien faire, acceptant son bannissement humblement et sans esclandre. L'esclandre était presque devenu la marque de fabrique du vieil herboriste. Non pas une esclandre incroyablement puérile et risible. Plutôt celle qui se veut discrète mais percutante. Le troubleur de fête. Le gâcheur de bons moments. Le diseur de vérités en face... Ca ne faisait pas souvent plaisir à tout le monde. A vrai dire, il ne prenait aucun plaisir à mettre en garde. Vili ne prévoyait pas d'aller voir son frère pour simplement lui dire « Je te l'avais dit... » Non, ce n'était pas trop son genre. Il aimait les victoires et célébrait avec entrain... Mais quel genre de victoire était celle-là ? Il avait réussi ce qu'il avait voulu entreprendre mais il savait surtout, depuis le départ, que rien de bon n'arriverait de cette solution, que toute cette mascarade continue ou non. A présent, avec Thor au trône, une vague d'incertitude balayait le futur. Serait-il meilleur que son père ? Vili l'espérait. Finalement, sa rencontre avec lui n'avait pas été négative même si elle n'avait pas été à la hauteur de ce que le Déchu avait espéré. Mais il avait des attentes trop grandes après avoir été trop déçu. Son angoisse, se glissant dans sa poitrine et dans ses épaules, était comme un avertissement de choses plus dures encore à venir. Ou était-ce juste son instinct de Dieu qui était un peu trop sensible ? En tout cas, tous ces changements réjouissaient et angoissaient Vili : Le status quo avait été rompu, mais pour quoi d'autre ?

Le Bifrost lui laissa une saveur amère. Il se remémora la dernière fois qu'il l'avait emprunté. Il se souvint des sentiments empoisonnés qui avaient ruisselé sur son cœur et l'avait rendu incroyablement aigris pendant des années et des années avant que les hommes n'arrivent à lui redonner sa personnalité... Vili n'était pas redevenu le même qu'avant, ce rejet avait marqué une cicatrice profonde et il n'arriverait pas à la refermer. Ne pas avoir pu être au contact de ses neveux et nièces et de ses anciennes connaissances, avoir été chassé comme un malpropre, un indésirable... Tout cela ne pourrait jamais vraiment être effacé de sa mémoire millénaire. Mais il estimait toujours que les mauvais moments comme les plus amers étaient des épreuves nécessaires pour n’importe quelle personne et que l’objectif était d’en sortir grandit et plus fort encore. Comme c’était difficile de se souvenir de ce genre de chose quand on était accablé par la peine. Comme il était facile d’entretenir la haine qu’on pouvait ressentir pour quelqu’un… On aurait pu penser que les battons qu’avait mit Vili dans les roues d’Odin étaient une preuve absolue qu’il détestait son frère, et pourtant… Malgré le fait qu’il considérait qu’il avait enchaine les erreurs et les faux pas, a partir en guerre, a ne pas s’occuper de sa famille, des humains ; malgré le fait qu’il avait totalement ignoré les conseils de son frère encore vivant, malgré tout ça, il ne pouvait pas lui en vouloir avec une colère infinie. Il pouvait comprendre même si il ne pouvait pas cautionner. Le pouvoir, Vili n’en avait jamais vraiment voulu, il ne savait pas bien ce qu’il aurait fait à la place d’Odin. Mais une chose était sure, les bons souverains étaient  ceux qui écoutaient et qui n’hésitaient pas à admettre une faute ou qu’ils ne savaient pas. Après tout, tous puissants qu’ils étaient, ça ne les avait pas empêché de se tromper, de se faire avoir ou de perdre des batailles. Les humains leurs ressemblaient en ça, ils avaient quelques fois l’impression d’être immortels. Mais quel fardeau c’était de devoir vivre toute sa vie avec ce que l’on détestait le plus en nous…

Ne souhaitant pas attirer l’attention, Vili se faufila entre les bâtiments. Son allure de vieux vagabond aurait attiré l’attention de n’importe qui au milieu de ses murs immaculés. Ainsi, Heimdall lui avait donné des indications pour se rendre chez Odin, son frère sans se faire repérer. Les remous qui se passaient avec les Valkyries et la garde royale donnaient aussi l’avantage au vieux Dieu déchu qui réussit assez facilement à pénétrer dans les quartiers de son frère. Tout était silencieux. Comme après une défaite, comme après une tempête. Vili se rendit compte qu’il retenait presque sa respiration pour respecter la solennité du moment. Inspectant discrètement chaque pièce il finit par reconnaître le dos voûté d’un Dieu qui était un peu trop fatigué. Les batailles perdues et les amitiés gâchées plus que les années avaient certainement vieilli encore plus le Père de Tout. Vili en savait quelque chose… Le vieux Dieu était entrain de griffonner sur des parchemins à un petit bureau de bois. Il ne semblait pas avoir sentit la présence de son frère. S'approchant, Vili fit attention de garder une certaine distance, on ne savait jamais... « He bien, Asgard n'a pas beaucoup changé depuis la dernière fois que j'y ai mis les pieds... Je parle des murs, des bâtiments... Les personnes dedans, en revanche, j'avoue que j'ai du mal à les reconnaître. » Laissa-t-il planer, le regard à l’affût de n'importe quel geste malheureux que pourrait avoir Odin à son égard. Après tout, qui savais ce que les derniers événements avaient pu faire à son esprit tourmenté ?

In the eye of the storm

ODIN BORSON - VILI BORSON

Il ne s'attendait pas à des élans de chaleur. A vrai dire, il s'attendait à quelques ronchonnements, à des premières piques acérées à son encontre et à une bonne dispute. Mais quand même. Il n'avait pu s’empêcher d'espérer que ça se passerait mieux que ce qu'il avait imaginé. Il était, quelques fois, trop rempli d'espoir et avait une trop grande estime de certaines personnes. En l’occurrence, vu la tête de son frère et de ses premières paroles, il n'avait pas bougé d'un iota pendant des milliers d'années, restant sur ses positions comme une moule à son rocher. Après tout, ce n'était pas pour rien que le Père de Tout se retrouvait à présent là, hors du trône, avec une bonne partie des Ases sur le dos. Apparemment, cette claque en pleine face ne lui avait pas remit les idées en place comme on aurait été en droit de l'espérer. Vili s'était attendu au fait que son frère se mette à faire une introspection. Au moins, qu'il réfléchisse à ses agissements et surtout, à ses décisions, présentes comme passées car c'était ainsi qu'on arrivait à avancer. Vili regardait souvent en arrière et se désolait. Il prenait des décisions qu'il n'aurait jamais cru prendre, et il arrivait à s'allier avec des forces qu'il n'aurait jamais cru pouvoir utiliser. Mais c'était ainsi, il s'adaptait et il changeait. Quelque chose qui ne semblait pas être aux goûts d'Odin. Bien évidemment, quand on avait un infini qui s'étendait devant nous, à quoi bon se dépêcher de changer et de faire des efforts. Après tout, on aura toujours le temps plus tard... Le Dieu déchu était revenu depuis moins d'une journée à Asgard et Midgard lui manquait déjà, étrangement. Ils avaient beau être agaçants certaines fois, ils ne semblaient pas aussi butés qu'un Ase. Ne lâchant pas son sourire lorsque son frère lui rappela qu'il avait été bannis il y a très longtemps de ce royaume et qu'il ne devait pas être dans le coin, pour cette raison. Prenant un faux air de réflexion, Vili s'éclaircit la gorge « Si je me souviens bien, ce n'est plus toi... Le roi... Non ? Je me trompe ? Car aux dernières nouvelles, je ne pense pas que quiconque, à part toi, et quelques Ases à peine plus jeunes que nous, se souviennent de tout ça. Mais si tu veux, je vais aller demander à ton fils confirmation de ta sentence vieille de plusieurs milliers d'années. Oh, mais j'y pense... Il est au courant, mon neveu, qu'il a encore un oncle ? » Question rhétorique, évidemment, car Odin s'était bien gardé de révélé l'existence de son dernier frère. Parce qu'il en avait honte ? Ou parce qu'il avait eu peur qu'il fasse des dégâts ? Avait-il si peur que ça que Vili puisse « corrompre » Thor qu'il avait éradiqué son existence toute entière d'Asgard ?

L'arrogant Père de Tout continua ensuite, réitérant son hostilité à l'égard du Libérateur. Il n'avait pas changé malgré la vieillesse qui se lisait autant dans ses traits que dans ceux de son frère. Tout deux avaient bien parcourus l'Arbre Monde depuis sa création, ils avaient tellement foulé la terre qu'ils auraient pu en creuser des kilomètres et ces kilomètres s'étaient dessinés sur leur visage. Poussant un petit rire amusé que Vili réservait souvent aux situations un peu gênantes, il s'empressa de répondre. « Je ne te considère pas comme un idiot, mon frère. Force est de constater que toi, tu n'as pas changé. Tu as peut être l'impression que tout reste toujours comme avant, mais tu as la preuve, aujourd'hui, ton fils bientôt sur le trône, que ce n'est pas vrai. Et pourtant, tu sembles toujours aussi obstiné... Ce que je veux, c'est la paix, c'est la prospérité. Des choses dont tu sembles avoir oublié le sens si on en croit tes derniers exploits. » Après tout, il avait commencé le premier. Vili était quelqu'un de bienveillant, mais il ne fallait pas non plus le chercher. Il avait gardé son âme d'enfant et surtout son caractère têtu. Après tout, les deux Dieux étaient frères et ils devaient bien trop se ressembler dans leurs attitudes pour pouvoir se supporter. Même cinq minutes après six milles ans à ne pas se voir.

Son frère ensuite, concéda au nom de leurs parents et du sang qu'ils partageaient, à l'écouter. « Oh voilà qui est intéressant... » Il finit par se trouver un endroit où s'installer. Il s'assit et épousseta sa bure avant de continuer. « Soudainement il semblerait que tu accordes une importance légitime à ta famille. » Dit-il, sans prendre plus la peine de sourire ni de prendre son air surpris et enfantin. « Ne prétends pas être dans une position confortable, Odin. Tu ne me trompes pas. Toutes les catastrophes qui se sont succédé, à la suite de tes actions, ne te suffisent pas à ouvrir les yeux ? » Bon, la méthode n'allait pas marcher avec lui, il ne restait plus que la bonne vieille rouspétance. « Je n'étais pas venu te faire la leçon, si tu veux la vérité. J'étais venu voir comme tu allais. J'étais inquiet même ! » Dit-il en levant le doigt, pour souligner l'absurde de la situation. « J'espérais te trouver un peu plus affecté par tout ça, ou du moins, un peu plus humble après avoir été bouté du trône que tu as toi-même construit. » Puis il fit une petite pause, prenant le temps de se calmer un peu. Il n'aimait pas particulièrement s'énerver. « J'espérais que cette succession soit l'occasion de changer les choses. De redémarrer sur de bonnes bases. » Vili, aussi énervé qu'il était contre son frère, était aussi prêt à faire des concessions si il arrivait à constater d'une quelconque amélioration dans la situation actuelle... Ce qui ne semblait pas gagné.

In the eye of the storm

ODIN BORSON - VILI BORSON

Odin avait toujours eu cette petite prédestination à la puissance et à l'arrogance. Comme si il avait tout compris à tout au premier coup d’œil. Cette tendance à se prendre en référence indéfectible était une des choses qui l'agaçait plus que tout. Vili, lui, se permettait l'erreur et le hasard dans ses actions. Il savait que son immortalité n'étaient pas un facteur de sagesse aussi important que l'expérience, l'écoute et l'introspection. Toujours était-il que son frère ne semblait pas prêt à porter une oreille plus attentive à ses propositions et idées et encore moins aux principes que Vili trouvait incroyablement importants pour tout empire, nation ou communauté. Si les familles existaient c'était pour constituer le noyau de toutes les alliances. Avec la famille, on devait tout accepter, on devait faire des efforts et des concessions car le meurtre des siens était encore plus horrible que le meurtre des inconnus. A ceux de notre famille, on avait plus qu'un nom. On avait une histoire, un lien, qui ne pouvait jamais être brisé mais qui pouvait être endommagé, de manière irréversible. Arriver dans ce palais, aussi humble que pouvait se faire l'irrévérencieux Vili, n'améliorerait apparemment pas du tout la situation. L'empirer ? Le vieux Déchu avait un don incroyablement développé pour ça. Qu'il le veuille ou non, d'ailleurs. Si ce talent maudit était éventuellement rattrapable avec les mortels, les Dieux avaient une mémoire plus permanente et une oreille plus fermée. Juchés du haut de ses croyances, Odin lui disait tout franchement qu'il n'écouterait rien qui n'aille dans son sens et qui ne le brosse dans le sens du poil. Qu'il pense une seconde qu'il lui faille préciser ça à son frère pour espérer qu'il change d'approche, décevait un petit peu le frère. « Que tu es vénal mon frère... Il n'y a donc que toi, ta réputation et ton héritage qui comptent ? Qu'est ce que cela pourrait bien te faire, que ton fils sache à quel point tu t'es trompé ? La santé de tes enfants, petits enfants, l'équilibre d'Yggdrasil et la paix... C'est tout ce qui importe. Je crois que c'est là notre principale différence. Tu ne peux t'exprimer sans tout ramener à toi et à tes petits désirs. » Agitant les mains, Vili commençait à s'énerver. Il n'était pas venu ici pour réentendre ce qu'il avait déjà entendu, ou pour se faire insulter encore une fois. Il était venu pour aider à redresser la situation catastrophique qui concernait tout le monde dans ce monde. Et d'une manière enfantine, son grand frère se contentait de fermer les yeux sur les erreurs et comptait apparemment très bien les recommencer en influençant son fils. Quelle galère !

« Idiot, têtu... Il y a bien une fine limite quelque part... Tu n'as peut être pas provoqué toute cette pagaille par tes gestes immédiats. Mais tu sais comme moi que la douleur d'un coup d'épée peut frapper bien plus tard. Trois mille ans de paix qu'il faut apparemment rembourser au prix d'un nombre élevé de vies. » mâcha-t-il avant de reprendre « Si le Ragnarök doit nous emporter, ma foi, ce n'est pas à moi de décider ni de repousser l'échéance. Ni à toi d'ailleurs. » Il se leva ensuite, et s'avança vers une des fenêtres pour y jeter un œil. « Ce que tu me dis, je le sais déjà... Mais laisser pourrir un fruit et ensuite s'étonner qu'il n'est plus consommable, ça ne rime à rien. Tu as laissé cette situation devenir comme elle l'est aujourd'hui. Le père de TOUT, que tu t'appelles... Et tu vas me dire que tout cela te tombe en travers de la figure sans que tu ne te sois attendu à quoi que ce soit ? Allons donc, tu dis que je te prends pour un idiot, mais ne m'insulte pas en disant que tu ne te rends pas compte de comment tout cela est arrivé... » Encore un peu et il allait se décrire comme l'Ase le plus gentil et attentionné d'Asgard. « Ne pas s'entendre et s'écouter, deux choses différentes Odin. J'ai écouté tes aventures, en bas, à Midgard, pendant des siècles et des millénaires. Tu perds des fidèles. Je te le dis, que tu me crois ou pas, mais les hommes se détournent de toi. Ton règne si prospère a laissé la place à d'autres croyances qui gagnent du terrain. D'abord ta famille, ensuite tes créations. Jusqu’où est-ce que cela va aller avant que tu ne te réveilles ? »

Puis il se retourna. « Ton fils. Ton fils ? Je lui ai déjà parlé. Un bon gars. Un garçon plein d'amour et d'empathie. Il fera un bon roi. Je ne venais pas forcément tâter le terrain pour lui parler. Je voulais juste te parler avant, par respect pour toi, ou du moins, ce qui reste de toi. Si je ne l'avais pas fait, tu aurait prit un air outré et m'aurait insulté de traître et de vipère...  Mais oui, je vais lui parler. Le sort de tout ce que nous avons créé m'importe, je ne le fais pas par défis envers toi. Je le fais par devoir. » S'esquivant doucement vers la porte, il inspira. « He ben, je crois que notre discussion tourne en rond. Comme tu l'as dis, rien n'a changé entre nous. A moins que tu n'ai quelque chose à me demander, je crois que je vais continuer mon chemin et rendre une visite à mes nièces et neveux. » Il n'avait pas dit ça avec un air de défis ou malicieux. Il était un petit peu triste, finalement, un peu contrit et contrarié. Ce n'était jamais agréable, une conversation comme ça, même après des millénaires à ne pas avoir parlé à son frère.